13 septembre 2025

LE CENTAURO II

Comment passer sous silence des événements qui seraient badins, quand il me faut trouver de quoi continuer mes visites du dimanche matin ?
Cette suite du récit de la semaine dernière vaut ce qu’elle vaut, mais il me faut bien faire feu de tout bois.

Revenons donc à la semaine dernière.

Sitôt dit, sitôt fait, nous nous sommes rendus aux Martinaux dans le but de rencontrer les acheteurs. Nous avons été reçus par Madame, qui nous a expliqué, sans animosité aucune, où se trouvaient les hommes : ils étaient occupés à refaire la clôture du champ où le troupeau pâturait. Il nous était facile de les rejoindre. Pour faire au plus simple, nous devions traverser la prairie. Mon chef et moi, gens de la campagne, les vaches ne nous faisaient pas peur. Nous pensions que ces bêtes s’écarteraient pour nous laisser le passage. Mais il y eut un hic : comme nous nous approchions, un bruit incongru s’est fait entendre, ce qui m’a fait dire :

– Holà, là, je sais que le taureau est au milieu de ses vaches.

D’un commun accord, nous avons contourné les bovins.

La discussion entre les vendeurs et les acheteurs a duré tant et si bien que l’heure de l’apéritif arriva et, comme à l’habitude chez ces gens-là, ils nous ont gardés pour le repas.
Tout à la fin de la discussion, au moment du café, est revenue la raison de notre visite : la vente du tracteur !
L’ambiance a changé. Notre hôtesse a quitté la table, mais avant de sortir de la pièce, elle nous a fait savoir, d’un ton, avec des larmes dans les yeux :
— Votre papier, je ne le signerai pas.

Cette fois-là, ce fut le patron qui avait pris l’initiative de parapher le document.

Mon histoire aurait pu prendre fin à cet instant. Pour mon plus grand bonheur, l’avenir m’a souri.

Mes relations avec Claude, suite à la livraison du CENTAURO, étaient au beau fixe, tant et si bien que, pour ma plus grande satisfaction, il participait aux concours de labours organisés dans le département.
En plus, j’ai équipé le gendre Bernard et Claude quand ils se sont installés comme agriculteurs à leur compte.

Ce qui va suivre est le récit d’un événement qui m’a été raconté. Il n’y a pas de raison à l’incrédulité : les personnages acteurs de ce fait, le père et le fils, m’ont narré, aux mots près, à quelques jours d’intervalle, un incident qui aurait pu se transformer en un terrible accident.

L’appareil ci-dessous est un semoir en ligne. Le travail que l’on attend de cet outil, ce qui va sans dire : semer les céréales sur des terrains labourés et ameublis. Un tracteur se charge de l’exécution de sa tâche en le tractant à travers les champs.
Sur la photo, comme vous pouvez le voir, il y a des petites dents appelées herses. Leur rôle est d’enfouir les graines.

Nos deux héros, le laboureur (Claude) et le semeur (son père), travaillaient dans des champs voisins. Les attelages étaient séparés d’une vingtaine de mètres quand Claude, conducteur du CENTAURO, s’est rendu compte qu’un incident allait se produire : les chaumes, résidus de la moisson précédente, étaient en train de s’amasser dans les dents de la herse du semoir, ce qui allait gêner la réalisation, dans de bonnes conditions, de l’ensemencement.

Pour ne pas perdre de temps, notre laboureur prend une décision : aller débourrer l’outil du semeur. Étant sûr de lui, il juge le bon réglage de son engin. Il en descend sans arrêter la mécanique. Au pas de course, il va débarrasser les dents de herse des éteules.
Une banalité, croyait-il ?
Sans ce qui va suivre, pas d’histoire.

Notre héros, en voulant remonter à son poste de conduite, avait deux solutions : accéder par l’arrière ou entre les roues. Bien que ces moyens soient complètement proscrits, les jeunes agriculteurs, surtout quand ils sont équipés de tracteurs à quatre roues motrices, se font un jeu de ces manœuvres.

Mais ce jour-là, il en fut autrement. À sa montée entre les roues, sa veste a été accrochée par le pneu arrière, d’une telle façon qu’il s’est retrouvé allongé. Cet événement n’a pas enfreint la bonne marche du matériel, de sorte que le tracteur n’a pas patiné, la charrue l’a retourné à son passage. Suite à ses dires, il s’est relevé après avoir entendu des bruits des plus étranges. Normalement, la seule pièce à conviction de cette mésaventure : une boîte de pastilles entièrement aplatie.

Mon scepticisme a été rayé de mon jugement quand le papa, témoin du spectacle, m’a raconté ce déroulement au mot près.

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