22 novembre 2025

QUIPROQUOS II !

Pour achever l’appellation de quiproquos, il me faut revenir plus de 60 ans en arrière. Je vivais dans un foyer de jeunes travailleurs en banlieue parisienne à Épinay-sur-Seine. Elle jouxtait Enghien-les-Bains, ville d’eaux qui avait le privilège de posséder un casino. À l’époque, c’était la seule maison de jeux autorisée dans Paris et sa banlieue.

Dans le foyer, nous devions être 300 résidents, des provinciaux de toutes les régions de notre beau pays. Toutes les classes de la société étaient représentées, de l’ingénieur aux manœuvres. L’ambiance y était saine : la jeunesse, avec la générosité qui la caractérise, donnait à ce lieu une atmosphère presque philanthropique. Il est admis, dans le genre humain, qu’il est tolérable, et même normal qu’à vingt ans, nous nous bercions encore des dogmes socialistes. Passé vingt-cinq ans, il serait normal que l’on devienne plus terre-à-terre… Encore que certains, dit-on, restent jeunes et pas toujours très mûrs toute leur vie.

J’ai même ouï dire un adage prononcé par un paysan, un grand-père, que j’ai déjà partagé, mais il me plaît de le réécrire : « Jeune homme, il faut être rouge, même très rouge, vous aurez toujours le temps de blanchir ! ».

Mais revenons au pourquoi de ma péroraison. Ce fait s’est déroulé quand les tenues vestimentaires n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui. S’il est banal de rencontrer dans l’espace public des personnages attifés, costumés, déguisés, dans tous les accoutrements possibles, les tenues vestimentaires se devaient d’être assez sobres et de respecter un mode de vie. Aujourd’hui, il n’est pas rare de rencontrer des anachroniques. Dans les années soixante, nous rencontrions très rarement des hommes en bermudas. Les premières photos d’hommes culottés de ce vêtement, je me rappelle les avoir vues dans un Tintin, un policier faisant la police en Asie.

Le pourquoi de ce qui m’amène à conter le quiproquo est à suivre.

Dans ce groupuscule de résidents, les tenues reflétaient notre société, question vestimentaire. Mon anecdote ne serait point si un résident ne s’était démarqué de l’ensemble des pensionnaires du foyer en se fringuant comme dans une époque qui adviendrait 30 ou 40 ans à suivre.

Le bermuda n’est apparu dans nos tenues vestimentaires pour le commun des mortels que dans les années vers 1960 ; des scouts et vraisemblablement les anciens louveteaux arboraient ce genre de short, qui est devenu assez commun avec les années caniculaires, soit après 1970.

Pour ma part, je ne me rappelle pas en avoir vu dans les rues, que ce soit dans la campagne ou les centres urbains. Je ne parle pas des villes balnéaires, des stades où, là, les culottes courtes, les maillots, les jupettes étaient des vêtements rarement portés hors des enceintes réservées aux épreuves sportives.

Ce quidam haut en couleur, de bon aloi, que je fréquentais en voisin de chambre, assez pour avoir conversé quelques fois avec lui. Nous nous croisions, nos rapports étaient cordiaux.

Suite à je ne sais plus quelle raison, mais sûrement une bonne, un soir d’automne, je me suis retrouvé avec des amis dans le bar du casino d’Enghien, et c’est là que se noue le quiproquo.

En pénétrant dans l’établissement, l’ambiance n’y était pas comme dans les estaminets que nous fréquentions : celle-ci y était plus feutrée, les brèves de comptoir, si elles existent, sont émises à mi-voix.

C’est pourquoi, quand j’ai cru reconnaître mon lascar de dos et lui avoir administré une baffe de bon cœur sur la cuisse, qui a claqué de la plus belle des façons. Ce bruit impromptu a suspendu momentanément le grommellement ambiant et a fait tourner les têtes des consommateurs dans la direction de l’éclat, c’est-à-dire vers le frappé et son bourreau.

Ce qui n’était pas prévu : la victime n’était pas la personne que je connaissais, mais un parfait inconnu ; de là, ma pétrification suite à mon geste. La victime de mon erreur a réagi après une certaine stupéfaction.

La réaction de cet homme correspondait à sa tenue de marginal et précurseur (affichant un vêtement qui ne deviendra un habit de mode que bien plus tard, suite aux étés caniculaires).

Je m’en suis bien tiré : comme sanction, il m’a condamné à payer un verre pour le plus grand plaisir de son entourage.

Je me suis exécuté avec l’opprobre qui se devait d’être, afin que je me comporte en homme affligé.

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1 Comment

  • Quel est donc l’auteur de cette caricature anonyme du XIX ième siècle ?? Gavarni ? Monnier ? Charlet ? Vernet ? Boilly ? Lami ? « Un unique pichet sur la table, deux hommes s’arsouillant au gros rouge, alors que les enfants boivent du petit lait !! » quel rapport avec ton quiproquo ?? Faute d’idée cohérente, j’y donne ma langue au chat !!
    Cette « baffe » administrée en ces lieux feutrés au visage d’un quidam, sans autre motif que sa tenue marginale, me semble pour le moins goujate et d’une outrancière provocation, une légère « tape » sur l’épaule ou le dos, aurait du suffire comme marque de ta familière reconnaissance avec ce baroque individu.
    A la réflexion, la présence de cette désuète caricature, veut-elle nous signifier par un clin d’œil, qu’à l’exemple des deux pochtrons, tu n’avais pas ce jour là, bu que petit lait ??
    Si  » L’habit ne fait pas le moine, le port du bermuda ne te permet pas de te montrer toujours aussi culotté ! » FR

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