6 septembre 2025

LE CENTAURO I

Je sais, il me faudra bien me rendre à l’évidence : les instants qui ont marqué mon passé, ces sujets avec lesquels j’ai pris tant de plaisir à griffonner, s’épuisent peu à peu.
Aujourd’hui, le stock d’anecdotes enfouies dans mes méninges arrive à son terme. En faisant travailler mon cerveau, j’arrive encore, en ouvrant les derniers tiroirs, à me remémorer des situations cocasses. Celle qui va suivre en fait la démonstration.

Chaque vente représentait un événement, qu’il s’agisse de matériel agricole ou d’immobilier. Dans les deux cas, je différenciais les résultats en me commuant en pécheur, je me disais : pour le petit matériel ou les locations, je pêchais du menu fretin ; pour les gros engins motorisés, les tracteurs, c’était du lourd.

Aujourd’hui, en repensant à un « Centauro », tracteur mythique, je ne peux faire autrement que de souligner la bonne idée du constructeur qui a désigné ces engins par des noms qui fleurent bon l’Italie : ARIETE, LEONE, CENTAURO, ATLANTA, MINITAURO, etc.
Admettons que ces dénominations sont d’une élégance qui se démarque de la concurrence : FORD 5000, DEUTZ 10006, SOM40, etc.

J’arrête là mon chauvinisme pour me concentrer sur le CENTAURO, un des premiers tracteurs que j’ai négociés. Je sais, quand mes détracteurs me feront remarquer qu’il m’a fallu faire appel, pour conclure ce marché, à du renfort, je m’en sortirai en leur précisant : « Il n’y a que le résultat qui compte ! »

Monsieur et madame Vermeulen étaient agriculteurs aux Martinaux, une ferme dans le sud du département. Ils avaient comme tracteur une marque très connue qui nous était arrivée grâce à une directive américaine : mars 1948 – le Plan Marshall.
Une initiative qui nous a sauvés, mais qui a aussi permis de s’imposer comme importateur de leurs marques en Europe. Elles ont pris une place prépondérante, car ces matériels se sont ancrés pour des années dans les fermes.

En 1967, quand j’ai embrassé ma carrière de VRP, la plupart des acheteurs étaient restés fidèles à la marque de leur première acquisition. Il n’était pas facile de les convertir.
J’ai croisé mes futurs clients pour un équipement tout autre que le tracteur : la mécanisation d’une étable qui devait recevoir une quarantaine de vaches plus le taureau de race bretonne.

Dans cette exploitation, le fils était un peu plus jeune que moi. Il a assisté à la négociation de cet équipement. Une relation amicale entre Claude et moi s’est créée. Comme chez beaucoup de mes clients, ils m’invitaient à partager leurs repas. Nous parlions de tout : comment faire pour ne pas invoquer les qualités de ma marque et de son avancée du point de vue mécanique – ce qui était vrai, ils avaient 10 ans d’avance sur la concurrence. COCORICO !! Le matériel installé, j’ai gardé le contact avec le couple. Ils m’avaient même donné un chiot. Cette histoire a été éditée le 18 juin 2022.

Je les visitais régulièrement, jamais innocemment, avec toujours des idées derrière la tête. Et c’est comme ça que Claude m’informa en douce :
— Tu sais, le père veut changer de tracteur, mais il ne t’en parlera pas.


Cela voulait dire : à toi de te « démerder ». Comme il m’avait gardé à manger, j’ai amené innocemment la conversation sur les tracteurs tant et si bien que l’après-midi, j’ai invité les deux hommes à venir voir l’utilisateur d’un CENTAURO. Celui-ci fit tout son possible pour les convaincre, et les Vermeulen repartirent séduits.

Comme bien entendu, rebelote, je me suis retrouvé une autre fois à leur table. Tout se passait bien quand soudain, la maîtresse de maison est sortie de table en vociférant à haute voix qu’il n’était pas question d’un changement de marque, en précisant sa façon de penser : depuis toujours, ils avaient défendu les qualités des M.F., la marque de leur engin.

Je peux dire que je me suis fait tout petit pour un temps qui m’a paru très long avant la fin du repas. Le lendemain matin, je raconte mon histoire au rapport.

Suite à cette explication, le directeur commercial me propose d’aller rendre visite sans attendre à nos potentiels acheteurs. Bien lui en a pris.
Vous connaîtrez la suite de cette épopée la semaine prochaine.

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