22 juillet 2022

L’ARBRE

J’ai sorti cet extrait d’une fable de Jean de La fontaine : L’HOMME ET LA COULEUVRE.

« L’arbre étant pris pour juge,

Ce fut bien pis encore. Il servait de refuge
Contre le chaud, la pluie, et la fureur des vents ;
Pour nous seuls il ornait les jardins et les champs.
L’ombrage n’était pas le seul bien qu’il sût faire ;
Il courbait sous les fruits ; cependant pour salaire
Un rustre l’abattait, c’était là son loyer ;
Quoique pendant tout l’an libéral il nous donne
Ou des fleurs au Printemps, ou du fruit en Automne ;
L’ombre, l’été, l’hiver, les plaisirs du foyer.
Que ne l’émondait-on, sans prendre la cognée ?
De son tempérament il eût encore vécu.
L’Homme trouvant mauvais que l’on l’eût convaincu,
Voulut à toute force avoir cause gagnée.
Je suis bien bon, dit-il, d’écouter ces gens-là. »

Pour imager et rendre hommage à notre fidèle compagnon qui nous a comblés en nous offrant un ombrage des plus agréables durant plus de 40 ans, dès notre emménagement le 25 novembre 1979, il avait 16 ans d’après notre venderesse.

Il n’était pas le seul ornement, un sapin de douze mètres et un palmier de cinq mètres, plus quelques arbrisseaux, ce mini bosquet eut droit à un débroussaillage en règle, et de tous ces végétaux en taillis, il resta trois rescapés : ce tilleul, un laurier-sauce et un seringua ; comme plante, un arum qui lui n’a pas survécu au-delà de deux ou trois ans, et pourtant dieu qu’il était beau à sa floraison ! Il nous offrait un bouquet vert et blanc de plus d’un mètre de diamètre !

Retour au motif de ces lignes.

Ce feuillus a été le témoin de nos réjouissances en plein air, que n’a-t-il vu et entendu en diurne comme en nocturne, il faut croire à un acquiescement tacite qui se veut agréable, sa corpulence en était le témoin. En arrivant dans son entourage, son fût ne dépassait pas 20 centimètres de diamètre, comme le reflète la photo prise en 1980 représentant Bénédicte et Arnault profitant de l’ombre pour jouer.

Le 24 février 2021, le diamètre de sa souche dépassait les soixante-dix centimètres. Nous ne nous sommes pas rendus compte de l’empiétement de notre champ visuel, ce mastodonte. Pour ne rien arranger, j’avais planté en tant qu’ornement, des pieds de lierre qui comme lui, en prenaient à leur aise question frondaison.

Dans le fond de moi-même, je me rendais compte de l’imposante stature de ce verdoyant occupant dans un emplacement disproportionné dans notre petit coin de verdure.

Dire que je n’ai jamais pensé à attenter à ces jours serait me mentir. Le destin en a voulu autrement. Il a commencé à dépérir, il y a deux ou trois ans. Il sortait à la base de son tronc, comme de la sciure, par un trou cerné de champignons.

En tant que responsable, pour me donner bonne conscience, je me suis renseigné auprès des hommes de l’art, entre autres nos voisins, des jardiniers œuvrant à l’entretien du jardin nommé Prébendes. Ils ont été unanimes, notre compagnon était atteint d’une maladie incurable, son agonie ne faisait que commencer. 

Suite à cette annonce, croire à une tristesse de ma part serait hypocrite. Je ne pensais plus aux idées assassines qui m’avaient effleuré l’esprit, au contraire, je louais un bon ou un mauvais génie qui avait pris l’initiative à ma place.  

Son dépérissement, qui suivit le printemps de 2020, nous contraignîmes à prendre la décision. Il fallait faire disparaître ce bois mort, bien que momifié, avec comme bandelette le lierre. Si cet ornement de feuillage persistant me ravissait, je ne présumais pas que sa disparition amincirait notre tronc de belle façon.

Mince ou pas, la destination de notre arbre fût de convertir en bois de chauffage sa ramure.

 Pour ce faire, j’ai éliminé ce que l’on nomme parasite et les rameaux. Ce travail accompli, j’ai fait appel à un ami d’enfance, propriétaire d’un parc arboré qui par nécessité est équipé en outils de bûcheronnage. Nos relations étant ce qu’elles sont, nous avons pris beaucoup de plaisir à cette association pour exécuter ce labeur de plein air, tout du moins pour moi.

Nous nous sommes quittés les travaux exécutés. Il m’était impossible de ne pas le remercier de sa coopération, ce que je fis.

Suite à cette manifestation de courtoisie, je ne voulais pas finir sans un retour vers mon ego, en lui claironnant :

Je te remercie pour ce temps que tu m’as alloué. Par contre, je ne suis pas sûr que tu ne me fus pas redevable d’avoir eu la chance de passer ces instants en ma compagnie.      

LE RENOUVEAU

                                  LE TILLEUL EST MORT.

                                  VIVE LE RÈGNE DES REINETTES ! 

 La nature ayant horreur du vide, il nous fallait pour notre confort remplacer notre parasol sylvestre. Pour ce faire, nous avons choisi l’arbre responsable de tous nos maux (Ève cela ne vous dit rien), je ne vais pas refaire la création, si cette dame avait cueilli le fruit du péché, comme tout aurait été plus simple.

Mais la genèse étant ce quelle est : c’est le pommier.

Notre choix est issu d’une motivation. Sa saveur ne fut pas primordiale, son ornement y est pour beaucoup. Celui-ci est fluctuant sur trois saisons. Au printemps l’explosion de sa floraison de couleur rose (Je précise cette couleur car, une rengaine chantée par de nombreux interprètes nous trompe en goualant que les cerisiers sont roses et les pommiers blancs, ce qui est faux tout du moins chez nous. Tous les printemps, à la floraison, la preuve est donnée de cette inversion des tons : blanc pour les cerisiers et roses pour les pommiers). Pour la rengaine, rien de plus juste, les pêchers roses, pommiers blancs.

 L’été, nous assisterons à la formation des fruits, ils passeront de la couleur verte à des teintes que la nature est seule à nous offrir. Une robe drapée de rouge, de rose, de vert, de jaune et de toutes petites stries marron clair. À l’automne, la cueillette.

Sa plantation dans notre environnement.

Le choix effectué, il me restait à faire acheter ce baliveau afin de le transplanter dans l’endroit qui lui est destiné dans notre petit carré de verdure.

 Un pépiniériste proposant les fruits de son travail sur le marché, il m’a été facile d’acquérir ce végétal.

Sous les consignes du commerçant, j’ai creusé une fosse aux normes prescrites par cet arboriculteur. Le travail exécuté, j’ai profité de la présence de trois de nos petites filles pour procéder à ce repiquage, avec l’intention de créer un cérémonial.

Je leur ai demandé de noter sur des petits papiers leurs vœux de l’instant puis de les plier.

Ces demoiselles se sont empressées d’exécuter ma requête, j’ai pu glisser dans une petite bouteille leurs écrits, s’en est suivi une obturation hermétique.

Le dernier acte de cette mascarade, enfouir ce flacon sous les racines du nouvel hôte de notre jardin. 

 

 Je ne me doutais pas que le 10 mai 2021, je reviendrais sur cette page pour la noircir avec comme sujet principal, l’arbre.

Mais malgré moi l’occasion était trop belle, je ne pouvais pas garder pour moi ce petit événement, ce fier ombrageux, je parle de l’arbre et non de moi on pourrait si méprendre (encore La Fontaine dans une autre fable).

Comme tous les propriétaires de pelouse, l’obligation de tondre ce petit coin de verdure nous incombe, dans mon cas, un quart d’heure de « labeur ».

Sans m’en rendre compte, je parcourais cette surface en contournant notre héros.

Que l’on me croit ou pas, je me suis surpris en train de faire le même parcours comme au temps où notre tilleul se dressait au milieu du jardin, j’avais fait la moitié du tour de l’ex-tronc quand je me suis rendu compte de mon absurdité !

2 Comments

  • Natif de Chemillé, tu aurais quand même pu suivre les conseils de notre ami Ronsard, familier de la fontaine du Gast, qui s’emporta un jour contre les bûcherons de la forêt de Gastines qui comme toi, magnaient inconsidérément la cognée :
    « Écoute, bûcheron, arrête un peu le bras,
    Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas
    Ne vois-tu pas le sang lequel dégoutte à force
    Des nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ?

  • Le pommier dans le jardin d’Eden, erreur de traduction… et arrête de dire que tout est la faute d’Eve! Les pommes sont le fruit de la connaissance et de l’immortalité, c’est de bon présage. Notre tilleul nous manque, mais le jardin est beau aussi comme ça.

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