13 juillet 2024

Le Compagnon du devoir et Marie

L’occasion est trop belle pour que je ne puisse faire autrement qu’insérer dans mes histoires ce récit qui était en gestation. Comme il a été écrit dans le récit de Fernand dans son livre « Chemillé de 1900 à 1950 « , Raoul, après avoir quitté sa Sologne natale, Brinon-sur-Sauldre, a fait son Tour de France. Il s’est rendu au cours de son périple en Espagne. Je l’ai appris d’une drôle de façon à 14 ans quand je suis revenu d’un examen qui devait m’orienter afin de connaître, suivant les tests de cette journée, ma future profession. Comme déduction, mes orienteurs avaient expliqué que j’avais les qualités pour exercer une carrière en tant que chaudronnier. Pour le petit gamin que j’étais, originaire d’un village rural, ce mot de chaudronnier n’invoquait rien pour moi, et je crois pour papa aussi. De cette information, nous en avons conclu que je passerai ma vie de travail à faire des chaudrons. C’est mon aïeul qui, à mon retour, m’a expliqué en quoi consistait la profession choisie par les professeurs.

Mon héros, en tant que baroudeur, avait côtoyé du côté de Bilbao des chaudronniers qui, comme lui, prenaient pension chez la mère des compagnons. Dans ces lieux de rencontres, toutes les professions se retrouvaient pour les repas autour d’une grande table. Notre homme, fort de son savoir, m’a expliqué en quoi consistait le métier de chaudronnier. Ils façonnaient dans les chantiers de constructions navales les coques des gros navires faites de tôles.

Quant à lui, suite à son passage dans cette institution, il s’est installé comme artisan maçon dans un petit village contigu à Chemillé : Marray. Je crois savoir qu’il est devenu Chemillois suite à une rencontre avec une petite Bretonne : Marie Saugueret, qui, comme lui, s’était exilée en gâtine tourangelle. Il faut croire qu’à cette époque, en Sologne comme en Bretagne, la précarité, pour ne pas dire la misère, forçait une partie de la jeunesse à s’exiler pour vivre des jours meilleurs. Ce qui est certain, un mariage est né de cette rencontre.

Un couple un peu disparate : la petite Bretonne, fervente catholique ; lui, le Solognot, bien que baptisé, ne franchissait les marches de l’église que pour les grandes occasions. Question jurons, il n’était pas avare. J’en suis un témoin à charge, comme Jean, mon frère. Combien de fois ne nous a-t-il pas agoni de ses jurons :

– Nom de Dieu, de bon Dieu, quand est-ce que ces bons dieux de gamins arrêteront de…

Tonitruant de la plus belle façon, ce juron faisait que nous ne pouvions pas ne pas les entendre. De cette union entre Marie et Raoul, sont nées 3 filles : Jane, Paulette et Madeleine.

Ceci dit, revenons à Raoul. Je remercie Fernand Lubet de nous avoir fait connaître son côté charismatique et sa bravoure en écrivant : 1900 – 1950 Un village français.

Aujourd’hui, je vais parler d’un Seigneur !

Pour ce qui est de l’artiste, dans son art, je n’ai pas besoin d’en parler. Les photos vont prouver, sans commentaires, de ses œuvres dans un récit à venir.

Une exception, sa maison, une réalisation phénoménale dans son concept. Trois logements, ses dépendances d’une telle importance, qu’elles ont permis à grand-mère Marie d’exploiter de la même manière qu’une petite ferme : une écurie pour un âne que je n’ai pas connu, par contre, tout le reste, une étable pour des chèvres, un poulailler, des clapiers, une soue à cochons, dans la basse-cour, des poules, des canards, des oies. Il y avait des ruches que je n’ai pas connues, mais comme un équipement d’apicultrice était pendu à une poterne dans un couloir du sous-sol ?

Une différence entre la photo et la tenue de grand-mère Marie, celle de Marie était noire.

Sortons de cet inventaire à la Prévert. Du fait de cet environnement, le couple, vivait presque en autarcie et, en plus, je suis certain que bien des voisins et nous, sa famille, avons bénéficié de leurs largesses.

Notre homme avait dû prévoir le futur qu’il aurait à vivre : un jour viendrait où il lui faudrait assister ces ascendants. Son père, sa mère ainsi que sa belle-mère. Celle-ci était veuve et vivait seule en Bretagne. C’est du moins ce que je présume, autrement, pourquoi une telle bâtisse ?

Tout à leur honneur, ces deux personnages se sont montrés à la hauteur des situations qui leur sont incombées avec le temps. Je dois avoir tout faux, car s’il a bien pris tout ce monde à charge en attendant le grand voyage, le Solognot et la Bretonne ont bien vécu leurs retraites dans le voisinage des deux assistants et qui aujourd’hui reposent dans le cimetière de Touraine. Par contre, je ne crois pas qu’ils n’aient jamais habité cette maison.

Il ne faudrait pas oublier notre grand-mère, qui n’avait rien à envier à notre héros. Question disponibilité en tant que femme, elle a rendu beaucoup de services à ses contemporains. Elle aussi y allait de bon ton question jurons. Pour se disculper, sa version était plus soft, sa verve au lieu de servir des « bon dieu de bon dieu » en amoindrissant son invocation par un « boudiou de boudiou ». Je pense qu’elle avait raison. Pour moi, la résonance est moindre.

Ne se vantait-elle pas d’avoir vu les fesses d’une grande partie de ses contemporains en tant que « piqueuse » ? Je crois que personne ne sait comment la petite soubrette qui était devenue une maîtresse femme jouait le rôle d’infirmière bénévole. Tant mieux pour la sécurité sociale, pour elle, tout était bénéfice. Nous la voyons partir avec une boite en fer. À l’intérieur, une ou deux seringues et des aiguilles qui me tétanisaient. Est-ce encore la raison aujourd’hui, mon aversion ne viendrait-elle pas de la vue de ces instruments qui, que l’on le veuille ou pas, sont effrayants pour les enfants comme pour les adultes.

Les quinze premières années, qui ont suivi le mariage de papa, maman, nous logions dans un appartement contigu à celui de Raoul et Marie. Une porte jamais fermée nous permettait de passer les uns chez les autres sans passer par l’extérieur. La famille composée des parents et des cinq enfants avait, je me rends compte aujourd’hui, de la chance que nous avons eue de vivre dans cet environnement. Là encore, j’étais trop petit pour me le rappeler, mais je ne serais pas étonné de la largesse de nos grands-parents qui ont dû participer à notre bien-être quand papa est tombé malade assez gravement. Je devais avoir 5 ou 6 ans, ce qui nous a permis de continuer à vivre confortablement.

Un artisan artiste à suivre…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Plateforme de Gestion des Consentements par Real Cookie Banner