Comment voulez-vous que je mette mon orgueil dans mon mouchoir ? Encore une fois, je vais y aller avec le hasard. Ce 17 mai 2025, comme tous les samedis matin, je vais au marché qui a lieu sur la place des Halles.
Je n’ai pas pris mon itinéraire habituel, j’ai dérogé à cette routine, j’ai fait un détour en traversant la ville, empruntant une partie de la plus grande avenue de France, la rue nationale, avenue de Grammont. C’est au croisement de la rue Gambetta (Grande figure de l’enracinement de la Troisième République) qu’un événement est venu embellir ma journée.

C’est de l’artère donnant sur l’avenue qu’un groupe de cyclistes tout équipés de casque, de tenue de cyclotouriste… vous savez, ces usagers qui, sur nos petites routes, nous « emmerdent » en roulant en pelotons, nous obligeant, nous les automobilistes, à les suivre pendant des kilomètres… ; arrêtons là mon sarcasme et revenons à mon sujet qui, sans ce moment improbable, ne serait point.
De ce groupe, je m’entendais dire :
— Bonjour Monsieur Duhard.
Quel étonnement, moi qui pensais avoir affaire à des touristes français ou étrangers : je ne comprenais pas cette interpellation. Malgré mon ego que vous connaissez, je ne réalisais pas le comment de cette interpellation. Quoique je ne me connaissais pas pour avoir une telle renommée, mais quand j’y pense, il y a un temps pour tout.
« Cette phrase n’est pas fortuite : il y en a parmi vous qui comprendront cette allusion. Sachez que vous le connaîtrez, car une prochaine histoire viendra vous expliquer le pourquoi de cette parenthèse. »
Je dévisageais ce groupe d’une trentaine de personnes quand un homme d’une cinquantaine d’années s’est dirigé vers moi en me tendant la main et en disant :
— Bonjour Yves, Je suis le fils de Jean B…
En me précisant la raison de sa présence, lui et ses acolytes allaient pédaler sur le parcours de la Loire à vélo.

Jean B…, cultivateur dans le Lochois, un de mes clients en matériels agricoles à qui j’ai vendu par la suite un appartement en tant qu’agent immobilier. Tout surpris, je réalisais que l’homme qui me parlait avec un sourire éclairant son visage de la plus belle des façons n’était autre que le gamin âgé de huit ou neuf ans en 1980.
C’était un môme qui avait une petite bouille souriante à qui je passais la main dans les cheveux en le dénommant « poulbot ».

Je l’avais rencontré il y a une quinzaine d’années à l’enterrement d’un de ces voisins, et déjà il m’avait bien reconnu, mais moi pas. Je ne sais pour lui, mais pour moi, que du bonheur, un retour en arrière de quarante-cinq ans.
Allons-y, pour une histoire qui va encore une fois venir illustrer une de mes situations qui ont fait de ma vie ce qu’elle est.
J’avais la chance d’avoir comme client son père, un client qui me faisait entièrement confiance, un fidèle des fidèles de la concession pour ce qui était gros matériel (tracteur et moissonneuse) et, pour tout ce qui était autres outils, j’étais en concurrence avec les vendeurs sillonnant comme moi la campagne.
De là, ces quelques lignes à suivre : ce monsieur Jean B… était acquéreur d’un cover crop, une machine aratoire, ci-dessous.

Le prix de cet appareil à disques représentait une belle somme. Je n’étais pas seul sur l’affaire : il y avait, entre autres, un concurrent qui, lui, était le cousin de mon acheteur. Belle occasion pour celui-ci de se servir de cette parenté pour marchander la négociation.
Les circonstances qui m’ont servi pour la réussite de ma vente.
Comme tous les mercredis, j’arpentais les allées du marché de Loches, rendez-vous des chalands du canton. Nous y croisions les paysans des alentours, comme leurs ancêtres respectaient les us et coutumes ; la raison de ma baguenaude. Par chance, je croise l’acquéreur qui m’avise de la venue de son cousin en fin de soirée pour prendre l’apéritif à la ferme. Mon sang n’a fait qu’un tour : il me fallait réussir ma vente illico, c’est pourquoi j’ai fait le nécessaire en lui faisant signer le bon de commande dans la cabine téléphonique installée sur la place du marché.

Pour ma plus grande folichonnerie, une cerise sur le gâteau. Après avoir rangé mon contrat, j’ai invité mon client au bistrot pour arroser la transaction. Sur le trajet de la festivité, tout content de ma réussite, je me suis entendu dire par l’acheteur que mon antagoniste l’avait enjoint avec la recommandation à suivre :
— Tu vas quand même pas traiter avec Yves ? Un gauchiste !
Sans cette conclusion, il n’y aurait point d’histoire. Sachez qu’en relatant cette histoire, je me marre ! Mais je me marre !
Je n’ai point tenu rigueur de cette tartuferie envers le délateur : ma réussite me satisfaisait facétieusement.
Bien m’en a pris, car, suite à ma reconversion, le cafteur m’a confié la gestion de ses biens immobiliers.