Je ne sais combien de temps en commençant cette narration, je vais passer devant cette machine, une chose est certaine, je vais y prendre du plaisir.
Le Saint JEAN est un bar tenu par un tenancier truculent qui pour mon plus grand plaisir a déjà agrémenté une de mes histoires : la voix de l’au-delà (histoire à suivre).
Quand j’aurais fini le portrait de ce personnage, il sera facile de comprendre le pourquoi de ce récit. Pour le physique, rien de plus facile, le chasseur qui prend la pose en premier plan : c’est lui.
Il faut le voir toujours classe avec ses mains d’émirs et toutes les parures assorties qui accompagnent cet apparat. Il me fait penser avec son pesant d’or, aux paysans berrichons que l’on nommait « les ventres jaunes ».
Cette présentation faite, il me reste le spirituel et son comportement envers moi, et cela, c’est autre chose.
Avec mon orgueil bien connu, je me fais fort de me reconnaître quelques amis. Mais il me faut constater qu’Alain et deux autres personnages, Jean-Yves et Jean-Louis, font partie d’un trio sortant du commun. Je vais les nommer comme des trublions provocateurs à mon égard. Ils ne se connaissent pas, mais je rêve de les réunir pour pouvoir me confronter à leurs sarcasmes, leurs méchancetés toutes relatives pour jouter oralement.
Mais revenons à ce personnage d’Alain, le plus tonitruant des trois. Il faut dire à son encontre qu’il évolue dans un cadre qui lui permet de jouer sa comédie. Sa carrure accompagnée d’un physique faciale, n’étant pas des plus amènes pour un premier abord, mais cette barrière franchise, la gentillesse quand il l’a décidé, laisse paraître un être des plus agréables avec une générosité peu commune (ne me voulant pas me montrer trop flagorneur, je dirais qu’il y a derrière ce comportement, comme il aime à le dire, une attitude commerciale (mon coup de pied de l’âne ).
Moi qui étais un gamin d’une timidité maladive, je me suis fait violence pour vaincre ce handicap, une obligation pour pouvoir exercer la profession de représentant prospecteur, ce qui m’obligeait à me confronter journellement à des inconnus. Il me fallait, compte tenu de mon ignorance dans les produits que je proposais, me faire violence pour vaincre cette timidité, celle-ci n’étant pas compatible avec cette nouvelle orientation professionnelle.
Tout ça pour expliquer le pourquoi, je me rends encore dans l’estaminet de mon héros et de plus avec plaisir.
Il y a longtemps, ce Monsieur avait les mêmes pensées que moi politiquement, mais ça, c’était comme je l’ai déjà dit il y a fort longtemps !! Il faut croire qu’il a eu, c’est du moins ce qu’il dit, de bonnes raisons pour virer de bord.
Pour moi, je n’ai jamais trouvé de motivations pour changer mes convictions.
J’avais déjà raison à 20 ans !!
Je suis resté socialiste ! Que n’ai-je pas fait à ses yeux ? Il faut l’entendre tonitruer dès l’instant où je me trouve dans son champ visuel. Peu lui importe l’environnement, il faut le voir exceller dans son art de harangueur quand son rad est en pleine effervescence. Pour justifier de cet adjectif, il faut préciser le caractère des habitués de ce lieu, qui viennent, je pense, comme moi, pour assister à un spectacle. Je sais et il faut croire que j’aime cette façon d’être présenté.
Il suffit que j’apparaisse sur le parking faisant face à l’entrée de son bar pour qu’il prépare son accueil :
le spectacle commence par une présentation de ma personne comme socialiste. Je ne suis pas le seul auquel il réserve cette bienvenue, mais pour d’autres motifs, à un personnage des plus agréables, un boucs émissaires qui en prend plein la tronche, dès son apparition est interpellé sous le sobriquet de Manouche.
Notre homme très heureux de se mettre en valeur, a trouvé en nous de parfaits partenaires pour lui rendre la réplique.
À peine ai-je franchi le seuil du bistrot qu’il avertit l’assistance de mon arrivée en gueulant, je sais, je ne devrais pas parler comme ça, mais je n’ai pas trouvé un autre verbe correspondant à cette façon de s’exprimer.
Aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de penser à la timidité de mon adolescence, car sa vocifération ne s’arrête pas à cet accueil, il continue avec des propos, tels que :
– Attention ne le touchez pas !
En braillant tout ce qui lui passe par la tête comme adjectifs, pour me marginaliser en tant qu’homme de gauche, peu importe le nombre de consommateurs présents.
Bien entendu, toutes les têtes se tournent vers moi avec des sourires plus ou moins goguenards souvent accompagnés de réflexions facétieuses ou de mimiques imprégnées d’un certain scepticisme. Ceci dit continuons la narration de mon état de souffre-douleur.
Ayant toujours droit à ces sobriquets comme signe de bienvenu à chaque visite dans ce lieu, je n’en fais plus de cas, mais il arrive que mon tortionnaire fasse plus fort dans sa perversité.
Cet établissement n’est pas composé que d’une salle de bar, il y est adjoint à l’arrière-plan une salle de réception et une terrasse où se réunissent des quidams partageant sa philosophie et sa couleur politique. Dans ces cas-là, à peine entré dans le bar, il me saisit le bras pour m’entraîner à la rencontre de ces groupes qui sont à l’antithèse de mes idées.
Et la même présentation, en ajoutant des mots relatifs à ma carrière et à mes rapports avec l’argent qui seraient selon lui incompatible avec mon idéologie politique.
Ces situations m’ont fait serrer des mains que je n’aurais jamais serrées et rencontrées, des personnages ne partageant pas du tout mes idées. Ces moments-là sont pour Alain des instants de jouissance.
Ce sont des réunions assez brèves mais toujours très amusantes.
Une de ces confrontations me laisse un souvenir des plus réjouissant ce jour d’été, une joyeuse bande d’une dizaine de ses amis avait pris place sous l’auvent de sa terrasse pour arroser un anniversaire, à mon arrivée dans le bar comme à son habitude, il m’apostrophe.
Mais ce jour-là, ne se contentant pas de cette provocation, il me tire par la manche afin de me présenter à ce groupe de noceurs dans les termes peu avenant en les avisant de mon appartenance :
– Tenez mes amis, si vous ne savez pas ce que c’est un socialiste en voilà un !
Comme il se doit, tous ces gouailleurs y sont allés de leur sarcasme sauf un qui s’est rangé de mon avis. À sa prise de parole, tous les visages ont changé de point de mire, ils ont abandonné ma direction pour se diriger vers la tête de l’antagoniste, un dialogue s’est alors engagé entre eux. Les uns avec des mimiques plus ou moins septiques ne comprenant pas comment après plus de vingt ans d’amitié, ils ne connaissaient pas sa couleur politique et le vilain petit canard de répondre.
– Hé oui, c’est pourtant comme ça !
Je me suis réjoui d’avoir instigué cette scène pour le plaisir qu’elle m’a procuré. La réplique de ce socialisme non avoué a fait naître dans mon esprit tordu, une réflexion qui vaut ce qu’elle vaut, mais je pense qu’elle a donné l’occasion à cet homme de gauche d’aviser ses amis de ses couleurs politiques.
Une autrefois, ce « faux-ami » m’a propulsé au milieu d’un groupe de ses amis idéologues de tous poils en me présentant comme de coutume sous le patronyme de socialiste. C’était une réunion festive de la plus haute instance du parti des « Républicains ». Après les huées de cette gente « hostile » à mon arrivée, nous avons échangé nos salutations, j’ai serré des mains et embrassé des femmes avec lesquelles je ne partage en rien leur façon de penser.
Pour la photo en tête de cette page d’écriture, elle a été prise un lundi matin de septembre 2006, cet ami m’avait donné l’occasion de l’accompagner dans un autre de ses loisirs, la chasse.
UNE SUITE,
Je me remets derrière ce clavier en ce jour de l’année 2021, soit quinze ans après la rédaction du premier chapitre.
Mon orgueil n’ayant d’égal que ma vanité, il m’est impossible de passer sous silence ces deux moments de bonheur que ce monsieur m’a procuré. Je veux croire à sa sincérité, il faut dire que ma gloriole s’accommodant aisément des flatteries, il m’est facile de satisfaire à ma naïveté. Ces quelques lignes méritant une explication, le pourquoi de cette suite.
Une première fois, il y a quelques années, le héros de cette histoire m’avait déjà tenu des propos des plus amènes à mon égard, m’avisant d’une pensée lui ayant traversé l’esprit la veille de cet entretien. Il cogitait de la façon qu’il occuperait son temps de liberté que lui procurerait sa retraite.
– Tu sais, hier soir, me parlant à moi-même, je posais une question, me retrouvant dans un appartement, notre choix à Martine et à moi, ne doutant pas une seconde qu’il sera très beau et spacieux, n’empêche qu’il me faudra voir du monde et dans mon choix, tu as pris place dans les premiers personnages à qui je rendrai visite.
Merci Monsieur, c’est bon pour mon ego.
Et rebelote, hier, soit le neuf juin 2021, son rad rouvert après cette période de fermeture sanitaire, comme rituellement le temps des emplettes dans les halles de Danièle, j’en profite pour me rendre dans cet estaminet cher à mon cœur. Comme toujours, je n’étais pas sorti de voiture que le stentor me présentait à hauts cris de mon arrivée aux clients du bar, pour l’instant, rien que du naturel dans cet accueil.
Suite à ce numéro, la donne a changé sur un ton plus calme, il a informé tout notre entourage que je faisais partie, avec maintes explications, de ses meilleurs amis.
Fi de ma modestie, il faut dire que pour ma personne, quoi de plus flatteur.
Je me réserve le droit de rembarrer tous ces claques … qui ne vont pas manquer d’ironiser sur ma façon d’apprécier cette amitié.
Dimanche prochain, une de mes plus belles facéties réalisées avec comme complice involontaire, ce personnage imagera mon envoi.
LA VOIX DE L’AU-DELÀ : déjà citée ci-dessus
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Qui aime bien châtie bien…
Merci Yves pour cette histoire qui me rappelle que la timidité ce n’est que de la sensibilité, une qualité qui aide à deviner et à ressentir ce que l’autre ressent. C’est tout l’art de la communication, c’est peut-être ça l’intelligence. Pour ressentir il faut écouter, pour capter l’attention il faut séduire. Les idées politiques comptent peu, seuls les individus comptent, tous les progrès, toutes les avancées sociales, nous les devons à des personnes et non à des courants de pensées politiques. Aux prochaines élections, il faut s’en souvenir, voter pour les personnes que nous estimons les plus sensibles, et pas pour des partis politiques. Encore merci