LE CANARD DE BARBARIE à TOUCHERONDE.
La première histoire s’est passé entre les années 1950 et 1955. J’étais un gamin d’une dizaine d’années.
Des cultivateurs, amis de papa et maman exerçaient leur noble art dans une ferme « Toucheronde ». Ce petit domaine se composait de deux groupes de bâtiments. Ceux d’une ancienne fermette indépendante, car dans un temps révolu, les exploitations pouvaient vivre avec des surfaces cultivées nettement inférieures déjà à cette époque ! La cause de ces regroupements, donne un florilège de bâtiments tombés en ruine dans nos campagnes.
Mon anecdote a eu pour cadre la ferme abandonnée où les bâtisses servaient de servitudes. Une mare agrémentait ce cadre, cette petite pièce d’eau était limitée sur un côté par un mur vertical en moellons. Je note ce détail étant donnée l’importance du rôle que celui-ci va jouer dans le spectacle à venir, la clef de ce récit.
Pour mon plus grand bonheur, le maître des lieux avait empoissonné avec des alevins un nombre compté de carpeaux cette grande flaque. Je ne suis pas un grand pécheur, mais, comme tous les gamins de mon âge, j’ai pratiqué ce « sport », ce qui m’a permis de m’apercevoir que je ne serai jamais un mordu de la pêche. Et pourtant, je prenais tant de ses carpes que le maître des lieux m’avait donné comme consigne de remettre mes prises en liberté dans la mare.
Ce n’est pas pour autant que je ne l’ai jamais pratiqué à d’autres occasions, mais cela donnera lieu à d’autres récits.
Un matin où je m’adonnais à cette occupation, j’ai eu la chance de rire de la plus belle façon, quand un canard de barbarie, de la même dimension que celui de la photo ci-dessus, m’a offert un spectacle qui pourrait figurer dans les vidéos gags. Cet oiseau avait dû mal calculer la longueur nécessaire pour réussir son amerrissage dans la mare, tant et si bien qu’il s’écrasa de pleine face dans le mur en moellons. La violence de ce choc lui envoya la tête entre ses ailes.
De là mon éclat de rire.
Je ne veux pas terminer cette histoire sans évoquer mes souvenirs avec la famille Veille Raoul et Rachel, les cultivateurs exploitant cette ferme de Toucheronde. Ces gens étaient d’une générosité et d’une largesse des plus remarquables. J’ai la chance d’avoir rencontré ce genre de personnages assez souvent dans ma vie.
Ces qualités reconnues me donnaient à penser que cet homme était un homme de gauche (ne me demander pas pourquoi). Un après-midi où nous étions en discussion autour de la table dans la salle à manger chez papa maman, je m’adresse à Raoul en lui faisant connaître mon appréciation à son égard. Ce qui provoqua une réponse, celle-là même qui occasionne la rédaction de ce petit récit.
-La raison pour laquelle je ne suis pas de gauche et toute simple me répondit-il.
– Nous sommes beaucoup plus adroits de la main droite que de la main gauche ??
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En écrivant cette réponse de Raoul, deux autres phrases messagères me sont revenues à l’esprit émanant de deux vieux paysans, bien sûr, dans des circonstances différentes.
Une tirade émanant d’un homme, un de mes bons clients du temps où j’étais marchand de tracteurs. Ce cultivateur, vieux communiste, avait discerné mes couleurs politiques et pourtant, je faisais très attention à ne pas laisser transpirer mon inclinaison d’homme de gauche, pas la plus partagée dans le milieu rural. Par contre, si je présumais pouvoir partager les idées de mes interlocuteurs, je ne me privais pas de dialoguer.
Celle-ci a été prononcée par ce paysan, Gaston Bonin, exploitant à la Roche-Clermault dans le chinonais. Je ne me rappelle plus dans quelle circonstance, mais c’est sur! elle l’a été :
– Vous savez quand on est jeune, il vaut mieux être très très rouge ! Car avec le temps, on a toujours le temps de blanchir.
La troisième expression a été formulée par un viticulteur du Richelais, un dénommé Richard (je n’en suis pas certain.) peu importe, l’important est le texte. Pour le conteste et l’endroit, j’en suis certain, un bistrot endroit que j’affectionne particulièrement. Ce goût pour les estaminets m’est venu au temps où je me rendais sur les places de marché afin de rencontrer des clients hypothétiques de la campagne environnante. Notre cadre de discussion avait lieu dans les cafés, ceux-ci étant situés pour une bonne raison ? Aux alentours de cet endroit de rencontre cantonale.
Le marché de Richelieu s’animait le lundi, surtout le matin et j’en étais très assidu pour mon travail. Je joignais l’utile à l’agréable.
Il était tellement plaisant de se retrouver au milieu des paysans venant sur la place de ce marché pour vendre les veaux. Les fermières présentaient aux coquassiers leurs œufs les lapins, de volailles, et au printemps, les chevreaux. Cette faune gisait par terre les pattes. Les volailles et les chevreaux étaient liés entre elles, les lapins dans des caisses en osier carrées, très peu hautes. La trame de ses coffres était espacée, obligation nécessaire afin que les acheteurs professionnels puissent estimer la marchandise avant de discuter âprement de la transaction.
Le décor planté, revenons au sujet de mon histoire.
Le jour de cette troisième locution, je discutais avec ce viticulteur comme il se doit, dans un bar, devant un verre vraisemblablement du sauvignon, produit sur le terroir avoisinant.
Tout ce blabla pour imager cette phrase.
Quand mon tour fut venu de payer ma tournée, ce Monsieur, mon ainé de plusieurs décennies, me demanda de ne pas m’acquitter de ce dû en réglant à ma place, déclamant à mon intention.
Sache mon ami, quand un personnage plus âgé que toi veut payer à ta place, tu le laisses faire.
Je n’ai pas besoin de préciser que de ce jour, j’ai suivi le conseil de ce bienfaiteur et comme je suis resté jeune, je continue à respecter cet adage.
J’arrête là mon délire dans la narration de cette première histoire de canard, aucune inquiétude à avoir pour la deuxième et pour preuve, elle va suivre.
LE COL VERT chez Yvon Joulin.
Cette nouvelle anecdote s’est déroulée dans une ferme à l’autre bout du département dans le Lochois, dans le village de Dolus le sec, situé en lisière de la forêt appelée Kerleroux, voisine de sa grande sœur la forêt domaniale de Loches.
le décor était le même que pour ma pêche à la carpe (Toucheronde). Cette fois, la mare était située au centre de la cour devant la maison, très beau tableau vivant, les canards nageant à la surface, les poules et les pintades picorant tout autour.
À certaines heures, se déroulait l’arrivée des vaches, ici de race normande, en troupeaux venant boire. Pour les chevaux, il était trop tard, le tracteur Deutz, la marque que je vendais les avaient remplacé.
Par contre, mon imagination se représente très bien ces Percherons harnachés, tenus à la longe par le charretier se désaltérant dans ce point d’eau.
Ce décor planté, revenons à mon fait peu banal. Alors que nous discutions entre homme Yvon et moi, nous assistions de visu en cette fin de journée, au retour des canards colverts, plus tout à fait sauvage, venant passer la nuit en toute tranquillité sur ce plan d’eau.
Ils arrivèrent en planant au-dessus de nos têtes. Un de ces volatiles passa si près de moi que d’un geste rapide, j’ai pu le saisir par le cou.
Fin de mon anecdote.
Je suis de droite de peur d’etre de gauche
A dimanche prochain avec plaisir