QUESTIONS PÊCHES.
Je ne me targue pas d’être un pêcheur, mais étant né dans un village au bord de la Dême, petite rivière qui a donné une partie de son nom à mon lieu de naissance, Chemillé-sur-Dême. Je suis comme tous les gamins du village, occupant leurs loisirs sur les rives de ce ruisseau, nous baignant dans une eau glacée, cherchant des îles. Nous appelions îles, des résurgences de racines d’aulnes qui formaient des petits monticules de terre au milieu du cours d’eau, ce qui nous permettait de mettre pied à terre après avoir franchi le bras de la Dême, cernant ce petit bout de terre.
La pêche faisait partie de nos réjouissances, nous les gamins pêchions des vairons, nous laissions la pêche de la truite à nos aînés.
Souvenir d’une partie de pêche un après-midi en compagnie de Tonton Gustave, un oncle parisien, un pitre des plus amusants ne se prenant jamais au sérieux, je l’ai bien connu au temps de ma vie parisienne.
Ce jour-là, nous étions sous sa garde ? Nous taquinions le vairon, je pense que ses filles étaient de la partie, peu importe. Tonton pêchait sur une petite avancée de terre surplombant l’eau quand tout à coup, sous le poids de notre pêcheur, le promontoire céda et on a vu notre homme s’enfoncer droit comme un I dans la Dême. Sa salopette bleu ciel a foncé au fur et à mesure de sa descente dans le bouillon.
Voilà comment j’ai acquis quelques notions du savoir des pêcheurs. Par la suite, j’ai participé à quelques parties de pêches mémorables avec des amis, pas des plus fructueuses, tant mieux pour les poissons, la pêche n’étant qu’un prétexte pour passer une journée de réjouissance entre nous.
À présent que j’ai conté mon initiation à pêcher « sur le tas », il me faut raconter le plus beau, la prise d’une perche phénoménale qui ferait la gloire de beaucoup de pêcheurs des plus férus. Cette « bossue », nom donné par les pêcheurs à ce poisson du fait de sa caractéristique, une particularité de son dos, elle mesurait 43 centimètres.
L’histoire de cette prise fut très facile, mais étant opportuniste, seul le résultat compte. Grâce à ma profession de représentant en matériel agricole, j’ai eu la chance de rencontrer des propriétaires terriens dont un, particulièrement sympathique, avec lequel j’ai continué mes relations après ma reconversion dans l’immobilier. Ce Monsieur possédait un domaine destiné à la création d’un parc aquatique, des étangs avaient été aménagés dans cette perspective. Malheureusement pour des raisons administratives, il ne réussit pas à avoir les autorisations nécessaires à la réalisation de ce parc de loisirs.
Compte tenu de ce refus, en homme d’action qu’il est, il prit la décision de vendre ce bien. Comme nous étions restés en contact, il me mandata pour la commercialisation de ces pièces d’eau en me donnant l’autorisation de jouir comme bon me semblerait de ce cadre paradisiaque.
Que du bonheur, nous en avons profité en famille, partageant ces moments de jeux en compagnie de neveux et d’amis. Pour la pêche, nous étions comblés, c’était tout juste si le poisson ne sautait pas dans la bourriche.
Il est des jours heureux, c’est comme ça ! Il en fut un occasionné par la prise de ce poisson inconnu, j’ai appris à le connaître d’une étrange façon.
Ce jour-là étant arrivé de bon matin, afin de profiter d’une grande journée de plein air, le repas du midi se devait d’être un pique-nique. Pour ce faire, nous étions assis autour d’une nappe jetée à même le sol, à quelques pas notre bourriche en suspension dans l’eau, déjà investie des poissons pêchés le matin. Arnault s’étant levé de « table », il s’est rendu au bord de l’eau pour se détendre les jambes. La position exigée pour se restaurer au ras du sol ne se révélant pas des plus confortables, il nous interpelle pour nous signaler la présence d’un poisson nageant en surface.
Ce qui suscite une réponse assurée d’un quidam qui se prend pour un pécheur émérite facile pour les néophytes de mon entourage.
– T’inquiète ! Ce sont les prisonniers de notre nasse.
– Non, viens te rendre compte, tu verras bien, c’est un gros poisson.
En obéissant aux injonctions, je me lève et me dirige en bordure de l’eau. Une surprise m’attendait, une nageoire dorsale de taille phénoménale faisait des ronds comme les requins, donnant des coups de butoir dans cette prison à gardons. Excusons ce manque de modestie (cette comparaison fait que je suis devenu un vrai pêcheur) mais cet aileron, sillonnant l’onde, donnait vraiment l’impression d’un petit squale. Pour les vues des requins, je les dois aux documentaires télévisés.
Mon instinct de pêcheur prenant le dessus, je recule de cinq pas, m’empare d’une canne à pêche. M’empressant d’accrocher un ver de terre à l’hameçon, ainsi armé, je reviens titiller ce beau poisson qui ne sait pas fait attendre. À peine ce lombric était-il entre deux eaux que la proie se jeta sur l’appât.
Je ne peux pas dire : J’ai ferré ! Ce serait un bien grand mot pour l’amateur pêcheur que je suis, peu importe la méthode seule la fin justifie les moyens. Il m’a suffi de remonter ma ligne pour mettre à portée de main notre prise.
Personne ne connaissait l’espèce de ce poisson, il a fallu attendre notre retour au logis pour feuilleter le dictionnaire (internet n’existant pas à cette époque) afin de connaître le nom de notre victime.
La perche
Comme le montre cette photo, ce poisson est de toute beauté, et ce qui ne gâche rien, il est aussi bon à déguster que beau. Je fais partie de ces personnages qui joignent les plaisirs « sportifs » aux bonheurs de la dégustation.
Bien m’en a pris de tester la saveur cette bossue, nous nous sommes régalés, après avoir tiré les filets. Je les ai cuisinés le plus simplement possible, cuit à la poêle dans un peu de matière grasse.
Ne pouvant garder cet événement pour moi, je me suis empressé de le relater à qui voulait bien entendre notre régal. Je ne me souviens pas de la personne qui, suite à mon histoire me renseigna sur une des propriétés de ce mets : il était recommandé aux mamans de donner en préférence la chaire de ce poisson pêché dans nos rivières aux nourrissons, ayant comme particularité de ne pas être entrelardé de ces traîtresses arrêtes étrangleuses coupables de désagréments dangereux pour nos arrières gorges, et ceci doublement pour les bébés.
LES SILURES
Une autre histoire de pêche en compagnie de deux pêcheurs férus « ceux-la » de cet art. J’ai été convié à cette sortie en barque sur la Loire en tant que photographe.
Cette pêche aux silures était pour moi complètement inconnue. Trois façons de pratiquer ce sport : au coup, au lancé, ou avec des lignes de fond, c’est ce mode de pêche qui avait été choisi par les deux comparses.
Pour ce faire, à l’aube de ce jour d’avril, nous allions lever les « traînées », autres noms donnés aux lignes de fonds. Celles-ci avaient été tendues la veille, les deux amis avaient accrochés des poissons appâts aux hameçons afin de titiller les futures proies pour cette fois des silures.
Il faut croire à la dextérité de ces pêcheurs, car pour un bon résultat, celui-ci fût on ne peut plus concluant. Cinq lignes avaient été tendues, chacune de ces traînées était garnie, plusieurs hameçons appâtés. Je ne vais pas m’étendre sur le déroulement de cette matinée, seul le résultat compte. Sur les cinq lignes, quatre d’entre elles avaient capturé un poisson. Pour finir, cerise sur le gâteau, la dernière, deux silures.
Ce n’était pas la première fois que je sortais avec Jean-Pierre pour la levée des nasses, une autre méthode de pêche. Celles-ci sont posées dans le lit de la Loire dans le but de piéger surtout des anguilles. Un loisir que pratique mon ami depuis toujours. Ces séances m’ont toutes laissé que de bons souvenirs, mais celle-ci fut particulièrement remarquable pour le décor, l’abondance des prises, et la taille des poissons.
Comme la photo le prouve, les deux compères n’étaient pas peut fier du résultat de leur matinée.
Bonjour Yves en ce jour de recueillement.
Nous sommes tous des pêcheurs. Comme les deux premiers apôtres…
A Dimanche prochain.
Pouvoir profiter de ces étangs a été un des plus beaux cadeaux de notre adolescence (et nous en avons eu beaucoup, de beaux cadeaux). Je suis une chrétienne suspecte, alors sans doute suis-je pécheresse, je te laisse la pêche néanmolins, Roi Pêcheur, je suis Poisson, je préfère rêver au bord de l’eau, aux ondines, aux sirènes, à l’épée qui sort de l’onde et aux libellules.