30 septembre 2022

UN VOYAGE INOUBLIABLE

La caravelle

DE COLOGNE à NANTES

Un accident aérien a ravivé en moi des souvenirs, je dis ravivé, mais peut-être n’est-ce pas exactement le mot qui convient, car je crois n’avoir rien oublié de ce retour en avion.

Cet incident s’est passé en 1975, j’étais à l’époque représentant en machines agricoles entre les différentes marques représentées. Les tracteurs Deutz faisaient partie de ce que je proposais à la vente. Ce constructeur Allemand, comme c’était chose courante à l’époque, avait organisé pour ses vendeurs sur le terrain, un voyage d’information dans ses usines de constructions à Cologne en RFA (République Fédérale d’Allemagne). Ce voyage en avion avait pour point de départ et d’arrivée l’aéroport de Nantes. Comme toujours, je fus désigné par mes deux collègues Dédé et Bernard comme devant leur servir de chauffeur pour le voyage, aller et retour à Nantes. Il est vrai que ma voiture était bien plus belle que la leur, une 404 berline blanche.

 À l’allée, le voyage Nantes-Cologne s’est déroulé sans problème. C’était un vol charter, l’avion, une caravelle. Ce vol d’une heure trente s’effectuant le matin, nous avons eu droit à un petit déjeuner servi par deux hôtesses.

Le séjour s’est passé comme prévu. Le premier jour, visite des usines de fabrication et de montage des tracteurs. Nous avons pris le repas de midi dans le restaurant au dernier étage du bâtiment administratif réservé aux visiteurs. Je ne me rappelle pas tout de l’emploi du temps du séjour, mais je me souviens de la visite au musée de la ville Cologne. Dans ce musée, une pièce a retenu mon attention, c’était la tête d’un empereur romain (je crois) sculptée dans une pierre bleue très claire et qui ne mesurait pas plus de cinq centimètres.

Le décollage du retour s’est fait le soir vers 20 h, nous étions fin novembre début décembre, vu l’heure à cette époque de l’année, il faisait nuit. À l’aéroport, nous avons décidé de ramener à nos épouses un cadeau. Moi, j’opte pour du parfum, connaissant celui que Danièle utilisait ’Fidji’, pas de problèmes. Mais pour mes deux amis ?? Alors, ils ont acheté le même que moi et de ce fait, nos trois femmes ont partagé le même parfum. Ces achats eurent lieu avant l’embarquement dans l’avion.

À l’embarquement, nous nous installons tous les trois dans le milieu de l’avion, à la hauteur des ailes. Bernard côté allée, Dédé au centre, et moi côté hublot. Les sièges passagers dans la caravelle étaient disposés par travées de cinq, deux fauteuils d’un côté de l’allée et trois de l’autre. Au décollage, les hôtesses nous ont donné les consignes habituelles et elles nous ont fait part du déroulement futur de ce vol tel qu’il aurait dû se passer normalement, et qu’elles se feraient un plaisir de nous servir du champagne ou du whisky.

Mais contrairement à ce programme, les événements à venir nous ont précipités dans un voyage cauchemardesque : au décollage, tout de suite après avoir pris de la hauteur, il a régné dans cet avion une atmosphère d’inquiétude, certains voyageurs ayant constaté que l’avion tournait au-dessus de Cologne et ne prenait pas la direction de Nantes.

Comme cette manœuvre durait, nous commencions à nous poser des questions, pourquoi ce sur place ? Nous étions dans l’attente quand un homme en blouse blanche est sorti de la cabine de pilotage en se dirigeant vers l’arrière de l’avion. Arrivé à la hauteur de notre travée de sièges, il s’est accroupi et a ouvert une trappe, il a regardé, remis cette trappe en place.

En se redressant, il nous a paru très pâle, il est retourné dans le poste de pilotage. Après quelques instants, il est ressorti avec un grand plan de schémas électriques ou hydrauliques, un tournevis et une petite clef à molette. Il a rouvert la trappe, déplié le plan, moi vu ma place, je ne voyais rien, mais Bernard était aux premières loges et ce qu’il voyait l’inquiéta au plus haut point, ce technicien donnant l’impression de travailler à tâtons nous dira-t-il plus tard.  

Les manœuvres de ce monsieur s’avérèrent être efficaces, car suite vraisemblablement à l’une d’elles, nous avons entendu un bruit sourd, et suite à ce bruit, il a refermé la trappe, replié le plan et est reparti dans la cabine.

Contrairement à ce que nous aurions pu espérer, la confiance de faire un voyage sécurisé ne s’est pas confirmée après cette intervention. Il faut se rappeler que ce périple se déroulait six mois après le krach d’un avion dans la forêt d’Ermenonville et je pense que la plupart des passagers avaient encore en mémoire cet accident, ce qui fut le cas pour moi.

Si le personnel de cet avion s’était montré rassurant, peut-être que l’ambiance catastrophique se serait estompée, mais contrairement à ce que nous aurions dû espérer, celui-ci eut un comportement, que 35 ans après, je ne m’explique toujours pas.

Pas un mot d’explication afin de nous rassurer de la part de l’équipage, les deux hôtesses assises dans la queue de l’avion comme recroquevillées. Pour le service whisky et champagne, ce sont des passagers qui se sont chargés de la tâche. Pour moi, au moment de choisir, j’ai opté pour un whisky demandant une très forte dose pour me réconforter. Le serveur « d’occasion » tremblait d’une façon incontrôlée en nous servant. Il y avait un va-et-vient incessant en direction des toilettes, car tous ces fiers-à-bras que sont d’ordinaire ce genre de personnage, étaient dans un état d’inquiétude, y compris mes deux amis et moi. Nous étions possédés des rires spasmodiques.

Ayant trouvé dans le vide-poche, le manuel nous expliquant l’attitude à prendre en cas d’accident, je l’ai lu. Celui-ci nous conseillait de délacer nos chaussures, ce que je fis. Je mis ma tête entre mes mains et là, j’ai pensé faire une prière, vraisemblablement comme tous mes compagnons de voyage ce périple.

Vu le comportement des responsables, ce vol ne se déroulait pas d’une façon normale. Je me disais : quand une panne survient en voiture, il est très facile de s’arrêter sur le bord de la route, mais dans un avion, nous sommes complètement prisonniers et devons attendre notre destin.

Et de ce destin, vu la réaction de l’équipage qui nous paraissait de courte durée, ma position de résigné fit dire à Bernard : tu fais ta prière en riant ? Oui, et sachant Dédé dans la même croyance que moi je dis à celui-ci et toi ? Et il répondit moi aussi. Je ne peux pas dire à quoi j’ai pensé, tout était confus dans mon esprit. Je n’aspirais qu’à une seule chose, être assis dans ma voiture et rouler en direction de Tours.

Le voyage avait été offert aux représentants de l’Ouest de la France. les Bretons faisant partie du voyage, étant comme tout le monde, dans une grande anxiété, ils se sont mis à chanter « ce n’est qu’un au revoir » bonjour l’ambiance !

Ce moment d’inquiétude a duré plus d’une heure, mais le sommet de l’effroi a été l’instant où une lumière rouge s’est allumée au-dessus de l’entrée de la cabine de pilotage et la voix du pilote nous disant d’attacher nos ceintures et d’éteindre nos cigarettes. Nous ne comprenions pas, car vu le retard pris au départ, la durée du vol devant être d’une heure trente, et comme nous ne volions que depuis un peu plus d’une heure, bien sûr, nous obéîmes ; et là, il réédite son ordre en le ponctuant d’un :

– On met les aérofreins, on se pose.

Nous nous demandions : on se pose ? Mais où ? Le comportement des hôtesses à ce moment-là n’a fait qu’exacerber nos inquiétudes. Elles sont sorties de l’endroit où elles étaient tapies dans le but de détourner nos attentions au moment de l’atterrissage en nous proposant les articles commercialisés en zone franche. Leur attitude paraissant tellement fausse que nous étions encore plus angoissés. 

Contrairement à l’attente d’un atterrissage en catastrophe, cette manœuvre s’est déroulée sans problème, du mieux possible pour nous les passagers.

À l’arrêt de l’avion, après la mise en place des passerelles d’évacuation, les portes étaient à peine ouvertes (il n’y avait plus d’urgence avérée) que tous les traumatisés du voyage ont évacué l’avion en courant pour s’éloigner, j’ai eu l’impression, le plus loin possible de celui-ci.

Nous avons repris ma voiture avec un réel plaisir. Au premier bistrot trouvé, Dédé et moi avons exprimé un vif désir de nous désaltérer, pas obligatoirement pour étancher notre soif, mais pour décompresser et arroser notre « survie ». J’ai bien dit Dédé et moi, car Bernard nous a imposé une fin de non-recevoir et n’a pas voulu nous accompagner dans ce moment de réjouissance, il n’a même pas voulu entrer dans la taverne, il est resté dehors le temps de notre dégustation. La fin du voyage et retour dans nos foyers sans problèmes.

Le lendemain, retour au bureau, habitant le plus près ou le plus matinal, aller savoir ? J’arrive le premier. Dédé le second, puis Bernard. Lui, à son entrée dans le bureau, nous ne pouvions pas ne pas voir une belle bosse sur le milieu du front. Voyant cette ecchymose, je m’empresse de lui dire : te serais-tu cassé la gueule de l’avion ? Ce à quoi il me répond non, mais cette nuit, je me suis levé endormi et je suis allé heurter de la tête, la porte de ma chambre, en grattant le sol pour passer dessous, suivant les dire de Michelle mon épouse.

Je termine là ce récit, mais à chaque fois que j’apprends des incidents se passant dans un avion, je me remémore cette heure et quart de ce passage dans le couloir de la mort.

Pour ce qui est de l’explication de la panne, par déduction, je crois qu’un vérin commandant un mouvement dans la rentrée du train d’atterrissage, avait fui pendant son stationnement de deux jours sur le terrain d’atterrissage. Le technicien, ce monsieur en blouse blanche, qui est venu à côté de Bernard pour nous dépanner, à dû purger ce vérin défaillant. Et ma conviction pour expliquer l’angoisse présumée des pilotes, c’est le comportement de ce vérin au moment de l’atterrissage.

1 Comment

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Plateforme de Gestion des Consentements par Real Cookie Banner