Pour ce troisième contrôle, il en a été autrement.

Le couperet n’est pas passé loin. J’ai comme pour les deux précédents, quand les condés m’ont intimé l’ordre de me garer sur le bas-côté, une appréhension de malheur qui m’a hanté compte tenu de mon récent passé.
J’avais tenu compagnie à des copains de bistrot une bonne partie de la matinée, pour le déjeuner, pas d’eau comme toujours. Suite au repas, je me suis rendu chez un ami pour je ne sais quelle raison, ce qui est certain, nous avons dégusté un digestif. Sur le chemin du retour, je me suis arrêté chez un autre ami avec lequel j’ai encore vidé un verre.
Il ne faut pas croire à une course, il s’était passé aux moins cinq heures entre le début des dégustations et le dernier godet.
J’étais loin de me douter du destin qui m’attendait en quittant mon hôte.
Je n’avais pas parcouru 300 mètres qu’un gendarme, placé en plein milieu de la rue, me fasse comprendre qu’il me fallait m’arrêter, en m’informant de son désir de contrôler mon taux d’alcoolémie.
Ces messieurs, comme entrée en matière, prononcent toujours la même phrase sur un ton interrogatif :
– Avez-vous bu ?
– Oui !
– Beaucoup
– Je ne sais pas ce que vous appelez beaucoup ?
– On va le savoir quand vous aurez soufflé dans l’éthylotest.
Après avoir pris connaissance du résultat, il m’a informé que mon taux d’alcoolémie était légèrement en dessous de la limite tolérée, en m’ordonnant de me garer sur un large trottoir, devant un pont, de rester dans ma voiture, d’attendre un quart d’heure, il viendrait me chercher.
Voir la photo ci-dessous.

J’ai obtempéré. Rumeur ou pas, il paraîtrait que les pastilles de menthe agiraient comme mystificatrices dans le résultat à ces appareils de détection. Étant consommateur de bonbons tic tac, les plus forts en goût, ceux qui dégagent les voies respiratoires de la plus belle des façons, en donnant une sensation de fraîcheur des plus agréables. Sans aucun état d’âme, j’ai sucé le reste de la boîte, question rafraîchissement, il y eut rafraîchissement.
N’étant pas du tout optimiste sur le résultat à venir, j’ai téléphoné à Danièle pour la prévenir de ma situation.
Ce quart d’heure ne m’a pas paru long, le hasard a voulu que j’assiste à un spectacle digne d’un scénario de série policière, se déroulant dans les cités de banlieues, le décor s’y prédisposait. Ma voiture était garée suivant l’ordre obligé par le gendarme, à l’entrée du pont supportant le boulevard du périphérique, ceinturant notre agglomération de commune. En parallèle, une voie de chemin de fer en hauteur, sur-érigée sur un talus, traversé lui aussi par un pont.
Assis bien sagement sans sérénité, envisageant le pire…
J’ai été sorti de ma préoccupation par l’arrivée d’une voiture qui, à la vue du barrage a fait un demi-tour sur place. Les pneus dans cette manœuvre ont laissé de la gomme sur le bitume. Branle bas de la brigade de faction, démarrage en trompe comme il apparaît sur les photos « il suffit de passer le pont« , ce qui fut le cas pour les fugitifs « et c’est tout de suite l’aventure » une fois la manœuvre exécutée, ils se sont retrouvés hors champ visuel des argousins. Comme ils avaient, après avoir passé sous l’ouvrage d’art, deux directions s’offrant à leur équipée, peu importe la direction que ce soit, l’une ou l’autre, la topographie de l’endroit a favorisé les fuyards. Les poursuivants n’ont pu poursuivre leur traque faute de repères.
La chasse aux voyous n’a pas duré un quart d’heure. Allez savoir pourquoi je suis sorti de ma voiture à leur retour, quand je me suis entendu dire d’un ton des plus cinglants :
– Monsieur s’il vous plaît, remontez dans votre véhicule, je vous ai dit que je viendrai vous chercher.
Ce qui fut le cas à la minute prêt, il m’a invité à le suivre derrière le véhicule dans lequel un éthylotest d’une grande précision était installé. Mon tortionnaire m’a indiqué la marche à suivre, il me fallait souffler dans un tuyau tout doucement en visualisant sur un écran les petites étoiles qui s’allumeraient au fur et à mesure de mon exhalation. Mon effroi n’a fait qu’amplifier, car sous les petits cadrans, s’affichait un chiffre qui ne faisait qu’augmenter jusqu’à atteindre 1,4. Interprétant ce nombre en tant que novice, je réalisais dans quel pétrin j’allais me trouver. Ma stupéfaction n’a eu d’égal que mon soulagement quand le policier m’a rendu mon permis de conduire en l’accompagnant d’un, vous pouvez partir, vous êtes négatif.
Ma stupéfaction n’a eu d’égale que ma sérénité réapparue. Je me suis bien gardé de demander une explication sur ce 1,4 affiché sur l’écran de sa machine infernale. Selon mes relations de bistrot, il existerait un calcul multiplicateur avec un coefficient ?
Peu importe, je m’en fous, ce qui comptait, retrouver mes papiers et m’éloigner.
Ha si, avant de saluer les perdreaux, je n’ai pu faire autrement que de les interroger sur leur chou blanc dans la poursuite des fuyards.
Pour me rassurer, ils m’ont affirmé :
– N’ayez crainte, ce n’est que partie remise, nous avons relevé les numéros de la plaque minéralogique.
J’en doutai fortement étant donné la vitesse et l’emplacement où ils étaient en faction. Même si je pensais dans mon rationnel à cette impossibilité, je me suis abstenu de leur faire connaître mon raisonnement.
Je me suis éloigné des condés avec un au revoir on ne peut plus servile.
La semaine prochaine rendez-vous au XIXème siècle.
