15 avril 2022

MES TRUFFES

MES TRUFFES 1975

Hé oui ! C’était encore au temps où je démarchai les paysans pour leur vendre du matériel agricole. Il en était un, particulièrement mycologue, comme la plupart de ses collègues, connaissait mon attirance pour une certaine cueillette ! Celle des champignons.

Au cours d’une visite, il me sidéra en me montrant dans sa cave des bocaux de conserves où l’on pouvait voir des champignons stérilisés, des champignons en conserves. J’en avais déjà vu et plus d’une fois, oui ! Mais ceux-là, avaient une particularité, c’étaient des truffes ! À mon grand étonnement.

Pour satisfaire ma curiosité et mettre fin à ma stupéfaction, cet homme m’expliqua comment ces diamants noirs étaient arrivés entre ses mains. Il m’apprit qu’il y avait des générations, que dans sa famille, on ramassait ces précieux tubercules dans les bois de chênes d’un village contigu au sien, sans plus de précisions.

Ce couple de paysans n’avait qu’une seule particularité, celle de chercher des truffes. La femme de ménage avait une passion pour les petits chiens de toutes races. Il y en avait une vingtaine qui occupaient la maison avec tout ce que peut générer. La cohabitation de cette meute dans une habitation humaine, le bruit et les odeurs ne m’ont pas laissé des souvenirs des plus agréables.

Arrêtons les critiques anecdotiques pour revenir au motif de mon histoire, celle de ramasseur de champignons. Il ne faut pas oublier que le but de mes visites, n’était pas de rencontrer des mycologues, mais essayer de vendre du matériel agricole entre autres des tracteurs, ceux que je présentais étaient d’une marque Allemande: Deutz de couleur vert et gris. J’étais en concurrence dans ce secteur avec d’autre marques entre autres : John Deere, mais peint en vert et jaune.

J’espérai en tant que vendeur lors du renouvellement de son tracteur, qu’il me mettrait en concurrence, que nenni. Un début d’après-midi, en passant devant la cour de ferme, qu’est-ce que je vois dans cette cour, un tracteur flambant neuf, celui-là était vert jaune mais pas mon vert et gris, j’avais raté la vente.

Un peu vexé, je m’arrête quand même pour saluer ce client, lui demandant pourquoi il ne m’avait pas mis en concurrence quand il a effectué sa tractation. Comme excuse, il se décharge de cette décision sur son fils. C’est ce garçon que je ne connaissais pas qui aurait pris la décision de cet achat, pour me consoler de ce désagrément, il me dit :

– Je t’assure, je ne suis pour rien dans cette acquisition, mais pour te remettre de ta déception, je vais te faire un cadeau, ton manque de chance pour le tracteur, tu l’oublieras. Je vais t’indiquer où et comment on trouve des truffes, et ça, tu t’en rappelleras toujours, ce qu’il fit et qui s’avéra vrai, la preuve aujourd’hui, je le narre.

Tout imprégné de ce que je venais d’entendre et fort de ces renseignements: comment reconnaître un chêne truffier dans une chênaie, le brûlé sous l’arbre qui indique la présence éventuelle de ce champignon ? On appelle brûlé le rond qui se forme sous les chênes mycorhizes, je connais ce genre de phénomène de la nature, il se produit pour les ronds de mousserons dans les prairies.

Suivant les conseils de mon informateur : premièrement trouver les arbres dans le bosquet indiqué. Ensuite ratisser assez fortement ce brûlé, bien entendu, je n’avais pas de râteaux à ma disposition. Il a fallu me rendre dans une quincaillerie à l’époque, il n’existait pas de jardinerie, il se trouvait qu’un de ces commerces se situait à Bléré, petite ville très proche du lieu supposé où devaient se trouver ces fameux champignons.

Mon acquisition faite, je me suis rendu illico dans l’endroit indiqué. Cet endroit qui me faisait fantasmer ! je fus déçu croyez le bien, car il n’est pas du tout facile de repérer ces arbres. Las de chercher, je me suis retrouvé enfin sur une parcelle de bois truffière, car le parfum de ces précieux champignons embaumait le sou-bois.

Il fallait que je me rende à l’évidence, je n’étais pas en mesure de récolter ce met délicieux, avec la formule enseignée par mon informateur. Il est des gestes inexplicables, celui que je vais accomplir après cette veine recherche fait partie de ces mouvements non prémédités.

Dans ce sous-bois, un paysan s’était débarrassé de sacs d’engrais en matière plastique. Pourquoi ais-je pris l’initiative de retourner ces emballages abandonnés ? Dieu seul le sait, mais le résultat de cette initiative a fait de moi le plus heureux des hommes. Ce geste accomplit machinalement, allait me créer un des plus beaux souvenirs de ma vie de cueilleur champignon.

Si l’on m’avait été prédit ce moment de bonheur, en aucun cas, je n’aurais pu y croire, car sur la terre découverte à même le sol, deux truffes de 5 centimètre de diamètres apparaissaient, une de toute beauté et l’autre malheureusement trop avancée dans sa maturité. Et depuis ce jour, orgueilleux comme je suis, je me targue d’être un des rares ramasseurs de champignons en Touraine à avoir trouvé des truffes sauvages.

Il n’est pas surprenant de trouver des truffes en Touraine. Au XVIIIème siècle, la capitale de la truffe se situait au sud de la région, à la limite de la Vienne et de l’Indre-et-Loire. Entre Chinon, Richelieu et Loudun dans la Vienne.

Cette truffe, nous l’avons dégustée avec JP, mon maître en mycologie.

Vous savez, celui des morilles.

Mon orgueil ne pouvait faire autrement que narguer cet ami.

4 Comments

  • Et aujourd’hui pâques les truffes sont plutôt en chocolat
    Bonne Pâques
    Une nourriture spirituelle

  • Il n’y a pas qu’en Touraine que l’on trouve des truffes. Dans le lot et Garonne, à Catus exactement à côté de Cahors, on ramasse des truffes … Tonton Jean, le mari de tata Angèle, donc ta tante aussi, puisqu’elle était la sœur de Marie ta grand-mère, avait une colline derrière leur maison où tonton Jean ramassait ses truffes,. Facile à trouver, pas d’herbe autour du pied du chêne truffier. Au début tonton les cherchait avec un cochon, mais il a dû y renoncer car les cochons les mangent, donc il a pris un chien. 15 jours ou 3 semaines avant de chercher les truffes, le chien ne mangeait qu’une tranche de pain le soir avec du saindoux, pour mieux développer son odorat. Avec le produit de la vente il se faisait une année de salaire en plus de son salaire de facteur. Une fois tata Angèle m’a donné en douce une petite boîte avec 1 truffe dedans, si tonton jean l’avait vu, il l’aurait reprise … sacré TONTON

  • … si j’apprécie tes interventions dominicales et ton talent de conteur…je ne me manifeste guère pour commenter tes écrits…
    Mille excuses !
    Il me faut avouer que si je les lis tous attentivement, leurs sujets sont souvent trop éloignés de mes propres centres d’intérêt pour leur apporter une critique judicieuse.
    J’aurais aimé que pour ce Temps Pascal tu nous décrives certaines ambiances s’y rattachant du temps de notre lointaine jeunesse : la « quête des oeufs ou l’argent de Pâques » que les enfants de choeur pratiquaient auprès de tous les paroissiens… pratiquants ou non…d’où quelques scènes pittoresques; que tu parles de ces rites catholiques mêlant religion et folklore, de ces offices particulièrement longs mais fastueux, de ces cloches que l’on disait parties à Rome, et dont les mômes à la soutane rouge comblaient l’absence les jeudi, vendredi et samedi saints, en courant à travers le village, agitant à qui mieux mieux des clochettes pour annoncer l’heure de la séance du « lavements des pieds », d’une « méditation nocturne » près d’un tabernacle, à laquelle se relayaient les fidèles jusqu’aux aurores, enfin, dans un enthousiasme spirituel, la « Grand Messe » du jour de Pâques qui rappellerait les cloches voyageuses, porteuses de chocolats et autres gâteries, à réintégrer leur clocher, les odeurs d’encens se confondant aux chants religieux.
    Mais bon ! À chacun son inspiration ! En tous cas Bravo ! Bravo VIeux copain d’un Temps périmé !
    Gloria in excelsis Pater Duhard.

  • Jean-luc,
    Merci de nous rappeler les oeufs de Pâques et les processions s’y rattachant.
    Ma modeste expérience de ramasseur de truffes chez Xavier m’a fait découvrir le nez du chien. Quand il marque d’un petit coup de patte, sa découverte, tu te mets au raz du sol et tu deviens chien tellement cela sent bon.
    Après déterrage et que tu aperçois la couleur noir…quel bonheur. Il m’est arrivé une fois d’en ramasser 7 d’un coup pour 5 ou 600gr. Le chien est récompensé après chaque découverte.
    En truffière, ce ramassage en plein hiver par tous les temps est fatiguant, 2 heures le matin et autant le soir. Le chien est un guide captivant qu’il faut motiver souvent

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