MES DÉBUTS DANS LA VIE PROFESSIONNELLE
MON CADRE D’ACCUEIL LE PREMIER, OCTOBRE 1958.
Pour la date précise, panne de mémoire, mais je suis sûr, cet événement s’est déroulé au mois de juin en l’an 1958. Je n’avais pas encore passé l’épreuve du certificat d’étude mais, mon « après-scolaire » était décidé, je devais apprendre un métier, ne faisant pas partie des élèves ayant eu le quotient intellectuel pour entrer en sixième ; jugement de valeur à l’époque !
Ce jour de juin, papa m’a accompagné afin de passer un examen d’orientation au centre d’apprentissage de Tours. Une journée nouvelle s’offrait à moi, je suis incapable de me remémorer tous les tests de ce jour mais, il me reste en mémoire la demande formulée par le conseillé d’orientation, de décrire la plus belle journée de notre vie.
Là encore, trou de mémoire pour mon récit, mais je me rappelle avoir à mes côtés un camarade d’un jour, celui-ci était originaire du Chinonais, ayant la même question à résoudre. quand nous eûmes rendu nos épreuves, nous échangeâmes le sujet sur lequel nous avions eu à disserter. Je me souviens du sien et pas du mien. La raison en est que ce jeune homme avait choisi comme la plus belle journée de sa vie, le jour de sa communion solennelle. A cette révélation, je me suis senti mauvais chrétien, et me rappelle avoir eu mauvaise conscience de ne pas avoir pensé à ce jour. Mais peut être était-ce le commencement de ma vie de mécréant.
Les conclusions de cette journée de tests firent dire aux examinateurs de mes travaux, que j’étais prédisposé, possédant, suivant leurs jugements, les qualités requises pour exercer le métier de chaudronnier. Ne sachant absolument pas en quoi consistait cette profession, je faisais confiance à ces décideurs ; allons y pour faire des chaudrons.
Je pense encore que papa ne connaissait pas plus que moi le travail d’un chaudronnier. Je tiens ce raisonnement du fait que le temps du retour, où nous étions tous les deux, je ne me souviens pas qu’il me renseigna sur les travaux réalisés par cette corporation. C’est grand père Raoul Lantoinette qui m’informa en rentrant le soir, quand je lui ai conté le résultat de ce test, l’informant du futur métier qui m’était dévolu.
Mes propos lui remémorèrent que dans sa jeunesse, je ne sais plus très bien mais, je crois qu’à un certain moment, il avait envisagé d’exercer ce métier. Je pense qu’en effectuant son tour de France en tant que compagnon du devoir, qu’en voyant le travail de ces métalliers, peut être avait il songé à changé de profession, une simple hypothèse, lui n’étant plus là !
Malheureusement, pour me confirmer où infirmer ces propos, tout ce dont je suis certain, c’est qu’il m’expliqua en quoi consistait le travail des chaudronniers, en me donnant pour exemple les façonneurs de tôles, exécuteurs des travaux servant pour la construction des bateaux, dans les chantiers navals.
Étant reçu au certificat d’étude, et celui-ci servant d’examen d’entrée au centre d’apprentissage, je suis donc devenu un pensionnaire boursier portant le numéro 423. En tant qu’interne dans cet établissement, une ancienne caserne qui avait été construite pour héberger en dernier lieu un régiment de spahis, réaménagée pour recevoir 600 cents élèves dont 450 internes ; des chiffres que je crois me rappeler sans affirmation.
Ce que je ne savais pas : mon affectation dans la chaudronnerie n’était pas immuable. Nos avenirs prendraientt corps après le premier trimestre. Celui-ci servait à orienter où réorienter les jeunes en confirmation du premier test. Nous faisions un stage de quinze jours dans chaque profession pratiquée dans l’établissement : Il y avait maçonnerie, serrurerie, menuiserie, électricité, mécanique automobile, mécanique générale qui comprend ajusteur, fraiseur… Le tournage étant un métier à part dans les métiers d’usinage, et bien sûr, chaudronnerie, il y avait deux autres corporations : cordonnerie et cuisine mais, celles-ci étaient réservées à certains jeunes ne faisant pas de stages d’orientations.
Pour différencier les élèves exerçant ces différents métiers nous étions classés par sections. Celles-ci étaient nommées par les lettres de l’alphabet, je ne me souviens pas de toutes mais je me rappelle les ajusteurs ; c’était la lettre A, et pour les chaudronniers la lettre F, et c’est pourquoi ma première section fut la F. Le premier stage s’exécuta en tôlerie autre nom de chaudronnerie, le travail à faire, aujourd’hui serait un scandale : nous avions à réaliser un cendrier en tôle emboutie au marteau, à par le bruit, ce temps passé à faire ce travail demandé, ne m’a pas déplut. Je ne sais plus dans quel ordre se déroula les autres stages. Une chose restée dans ma mémoire fut le stage de serrurerie où nous avons forgé une barre de fer, je pris beaucoup de plaisir à jouer avec le feu de la forge, comme tous mes camarades, je crois que sortant de ce stage nous voulions presque tous devenir ferronnier, autre nom de serrurier. En maçonnerie le professeur fut étonné quand je pris un outil en le nommant par son nom, la langue de chat (petite truelle conçue pour un travail de finition très spécifique) j’en ai déjà tiré, comme toujours, beaucoup d’orgueil devant mes camarades, quand notre professeur fit remarquer mon savoir, tout s’expliqua à leurs yeux quand je dis que j’étais issu d’une famille de maçons.
Ce premier trimestre de stage terminé, un nouvel examen de mon ego, par les orienteurs, leurs firent prendre, après m’avoir consulté, la décision que le métier d’ajusteur correspondait mieux à ma personnalité, et voilà comment je me suis retrouvé dans la section A en tant que futur ajusteur, je remercie ces juges de leur bon choix en mon encontre. Aujourd’hui encore je reconnais la justesse de leur discernement, cette profession d’ajusteur correspondant mieux à mon tempérament ce que j’ignorais (car comme la chaudronnerie, l’ajustage m’était complètement inconnu avant ce stage d’orientation).
Le nom, comme à quoi consistait le travail de cette profession.
Dans ce récit je ne parlerai pas de l’encadrement ni des enseignants, je leur réserve un autre état des lieux, car aujourd’hui la plupart de ces hommes seraient mis aux bans de la société.
Question discipline!
Devons nous nous en réjouir ??
Me voilà donc parti pour vivre une période de trois ans dans un monde complètement étranger à ma vie précédente, celle d’un gamin élevé dans un village de campagne, qui se retrouve dans une ambiance aux antipodes de ce qu’il a vécu, jusqu’à ce jour de rentrée scolaire d’octobre en 1958. Aujourd’hui encore je pense à ce monde hétéroclite de jeunes gens formant l’ensemble des apprentis occupant ce pensionnat allant de jeunes ruraux avec leur culture très naïve, en comparaison des jeunes banlieusards petits caïds roulants des épaules et plus dégourdis que nous les campagnards.
Pour ne pas être trop long j’arrête l’introduction, rassurez vous une suite ne peut que paraître.
Peut-être une maladresse, dans ces mémoires, toujours intéressantes par ailleurs : tu évoques toi-même « le commencement de ta vie de mécréant » …
« Mécréant », une dénomination qui pourrait devenir dangereuse … en ces temps troublés et préoccupants que nous traversons …
Bon dimanche quand même.