Merci François de m’avoir tendu la perche.
Mais, même sans toi, j’aurai noirci du papier pour relater mes aventures sur l’aliboron. Bête de somme, réservée aux travaux alloués aux femmes, pour tout ce qui concernait la maintenance des moindres travaux agricoles tel le charroyage, du vert pour les herbivores (« le vert » : nom donné aux herbacées fauchées à la faux ou la faucille : maïs, trèfle, luzerne, etc… Nourriture destinée au cheptel de l’exploitation).
Ma deuxième expérience en chevauchées équestres, c’est à l’âne de Touchelion que je la dois dans cette ferme exploitée par le jumeau de papa. Celle-ci était la représentation-type des domaines agricoles. La surface cultivable était de 55 hectares en polyculture.
Tous les animaux domestiques habituels vivaient dans la cour fermée et gardée par un chien de veille attaché à l’entrée : 4 chevaux + une jument poulinière, 80 moutons, 20 vaches laitières plus le taureau, 10 chèvres plus le bouc, un âne, cochons, lapins, poules, pintades, dindes, canards…
La maquette de Touchelion créée de mémoire 40 ans après mes escapades.
J’ai eu la chance d’appartenir à cette famille d’agriculteurs dont la fermière était ma marraine. Elle me permettait d’emprunter leur baudet, « Charlot » pour galoper dans la campagne environnante (Il était une coutume dans les exploitations d’accoutrer ces quadrupèdes du nom ou du prénom de notre président de la République). Le « Sancho Pança » d’occasion s’en est donné à cœur joie, loin de moi ma comparaison avec le héros de Miguel de Cervantès.
Je me voulais plutôt cow-boy, pour ce qui est des épopées, il en est et des plus rocambolesques. Ce bidet comme je crois, tous ces coreligionnaires avaient un caractère de têtu (d’où cette devise, ne dit-on pas têtu comme un âne ?) propre à leur famille pour me faire obéir en cas de réaction récalcitrante, il me suffisait de lui effleurer une oreille avec ma badine pour obtenir satisfaction dans le meilleur des cas.
Dans mon rôle de « cow-boy », il m’était alloué de ramener le troupeau de vaches de la prairie à l’étable, de là, il en a découlé quelques mésaventures.
Ma monture ne perdait rien de sa superbe. Quand il avait envie de se débarrasser de moi, il s’arrêtait subitement, cette manœuvre avait pour conséquence un vol plané, passant cul par-dessus de tête (c’est le moment de le dire), raison pour laquelle je rentrais sur mes deux jambes en suivant le troupeau.
Ce n’était pas toujours le cas, mais quand cela m’arrivait, les spectateurs en voyant rentrer le bourricot dans son écurie sans cavalier, imaginaient ma mésaventure avec de larges sourires sinon de vraies rigolades.
Hormis ces quelques désagréments, que de plaisir j’ai pris à caracoler.
J’aurais pu arrêter mon histoire après ce récit, le hasard en a décidé autrement. Quand j’ai pris la décision d’écrire mes histoires avec les chevaux, je ne savais pas que le hasard viendrait encore une fois me faire un pied-de-nez !
Quand j’ai franchi en ce jour des rameaux la porte du cimetière, j’étais loin de penser à ma rédaction de l’instant, le destin en voulut autrement.
Ma venue dans ce lieu pour être honnête n’est pas motivée uniquement pour un recueillement avec les enterrés, un endroit qui héberge les disparus de notre famille sur cinq générations.
Bien sûr, je revois et revis en lisant les bas-reliefs ornementant les stèles, ces patronymes de familles évoquent dans beaucoup de cas des personnages que j’ai côtoyés au fil des ans.
Encore une fois, le destin a voulu que je rencontre dans ma déambulation une petite-cousine, Brigitte, la petite fille de ma marraine. Quelle aubaine ! Je ne pouvais pas ne pas invoquer dans notre conversation, l’écrit du moment, mon histoire d’âne.
À cette époque, quatre générations vivaient à TOUCHELION, Brigitte la petite fille faisait partie de la quatrième. À l’évocation de mon récit du jour, elle me rétorqua à ma grande surprise et pour ma plus grande joie :
- Tu sais, je me rappelle très bien de tes péripéties. J’entends encore grand-mère, en te voyant arriver dire : Il y en a un qui ce soir sera complètement harassé, en parlant de la bête.
- Comment ne puis-je pas relater la coïncidence avec ce témoin ? Je suis persuadé que nous sommes les deux seules personnes qui peuvent évoquer Charlot. Il se peut qu’il y en est une troisième, sa petite sœur Isabelle, mais je pense qu’elle était trop petite pour s’en souvenir.
Bon Dimanche
Alain BRETON
Bonnes fêtes pascales
Bon dimanche
L’aliboron de Touchelion, ça rime et ça fait penser à … la Révolution, non ?
Une vieille histoire, encore, qui remonte à la surface. En ces temps révolutionnaires, trois sœurs, d’un certain âge, étaient propriétaires et géraient la ferme de Touchelion. Qui hébergeait et cachait aussi de temps à autre des prêtres réfractaires (qui n’avaient pas prêté serment devant l’Assemblée Constituante qui « réorganisait » le clergé.), des prêtres donc mais aussi des nobles en délicatesse avec « l’air du temps ».
En 1792 ou 93, une escouade de sans-culottes chemillois était venue jusqu’à Touchelion à la recherche d’éventuels proscrits. Peut-être ces jours là bien cachés dans une chambre haute, double cloison, etc …
Sans-culottes et leurs « outils » favoris, piques, fourches, épées, sabres, etc …
À leurs menaces et leur animosité, l’une des sœurs répondit : » si vous voulez orner le bout de votre pique avec une tête, choisissez-en une plus avenante que la mienne » … ou quelque chose comme ça, mes documents chemillois sont en métropole …
Je savais que Touchelion avait hébergé des prêtres réfractaires comme à la Marchére dans le corps de garde.
L’âne était la bête à tout faire de la ferme. Le mien, nommé aussi charlot, m’a donné des moments d’aventure pendant les vacances. Il avait un âge avancé ce qui m’a évité les chute.
JLL