8 octobre 2022

VACANCES EN ESPAGNE 1966

Les vacances en Espagne de trois gamins de vingt deux ans, Michel, Pierre et Yves.

Nous avions décidé de partir en vacances en Espagne et de faire le tour de ce pays sans nous rendre compte de l’énormité de notre projet. Nous n’avions aucune notion de l’immensité de ce pays, ni de celle de sa topographie !! Que de montagnes à nos yeux, des yeux de Chemillois.

Notre départ de Chemillé eut lieu à trois heure du matin, notre moyen de locomotion était la voiture de Michel, une DS 19 noire. Direction Tours pour rejoindre la N10, la route de l’Espagne, et bien sûr, ce jour de départ était un samedi matin. Un grand départ de vacanciers, voulant se rendre dans le sud ouest, ou comme nous en Espagne, tant et si bien que les voitures sur la nationale roulaient très proches les unes des autres. Une dizaine de kilomètres après Saint Maure de Touraine, le malheur à voulu que la voiture nous précédant freine, et vlan, notre chauffeur se faisant surprendre, nous voilà heurtant la remorque de cette voiture, heureusement peu de dégâts.

Cet anicroche n’agissant en rien sur notre moral, la première nuit, nous plantons notre tente à la frontière Espagnole. Le lendemain, je ne me souviens pas de ce que nous avons fait, mais une chose est certaine, après avoir roulé toute la journée, il faisait nuit noire quand nous sommes arrivés dans un village. Nous ne savions pas où nous étions, la chance a voulu que dans ce village il y ait un terrain de camping où nous avons planté pour la seconde nuit notre toile de tente, (ce premier soir en Espagne, nous sommes allés manger au restaurant, et suite à la lecture de ces souvenirs, Pierrot m’a fait remarqué que j’avais oublié l’épisode de la moutarde. Ce souvenir m’est revenu, il n’est pas à mon honneur. Je me suis comporté comme un petit Franchouillard que je suis, l’aubergiste, une femme, nous avait servi un steak et je voulais absolument de la moutarde. Je suis même allé, n’arrivant pas à me faire comprendre, dans le frigidaire chercher ce condiment).

Le lendemain au réveil, une agréable surprise, nous étions dans un village du bord de mer Sopelana, avec une très belle plage. Comme il faisait un très beau soleil, tenue de bains pour tout le monde et direction la plage, exposition au soleil et baignades. Michel à cheval sur un matelas pneumatique, se prend pour un marin, en voguant au loin, nous faisant des grands signes. Nous, nous pensions qu’il s’amusait mais à son retour, il était complètement affolé nous expliquant que les gestes que nous avons pris pour des coucous, étaient des appels à l’aide. Il se sentait entraîné au large, et avait eu la peur de sa vie voyant que nous ne comprenions rien à ses appels à l’aide.

Pas rancunier, il se dore comme nous au soleil, celui-ci brillant dans un ciel sans nuages. Nous rougissons pour Michel et moi, pas de problèmes, mais pour Pierrot, catastrophe, des cloques partout sur le corps, il se retrouve allongé attendant que cela passe. Le lendemain matin, Michel se réveil avec un mal de dent insupportable, si je me rappelle bien, je crois que Pierre est resté allongé sous la tente pendant que Michel et Moi sommes allés à Bilbao, la ville la plus proche, éloignée d’une vingtaine de kilomètres, afin de trouver un dentiste pour soigner Michel. Ne parlant pas l’espagnol ni l’un ni l’autre, nous avons essayé de nous faire comprendre par gestes à un gamin que nous avons croisé. Celui-ci mendiait, ce qui nous paraissait invraisemblable car nous pensions que cette époque était révolue. En France, dans ces années là, je ne me rappelle pas avoir rencontrer des mendiants aussi bien à Paris qu’à Tours.

Ce gamin nous a fait signe qu’il avait compris notre requête, il nous guide dans un immeuble, nous indique les étages, nous tend la main et se sauve après avoir pris l’argent. Michel et moi montons dans les étages où nous ne trouvons pas de dentiste, pas très heureux d’avoir été dupé, mais il fallait bien se rendre à l’évidence, une fois redescendus dans la rue, nous récidivons, mais là, nous avisons une dame âgée. Celle-ci faisant la manche aussi, et bien cette dame nous a infligé le même sort.

Enfin, je ne me rappelle pas comment ? Mais nous avons fini par trouver le praticien recherché. De retour au camping, mes deux amis très fatigués sont resté alités, étant le seul valide, je suis allé par le train passer ma journée à Bilbao. Dans ces années là, un voyage en train Espagnol, c’était le folklore. Nous étions au milieu des produits des champs et des fermes, dans des paniers de poules, des canards vivants, ces volatiles que les paysans allaient vendre sur les marchés de la ville.

Un jour de repos ayant remis mes amis sur pied, le soir de cette journée, une fête se déroulant dans le village, nous nous sommes mêlés aux villageois et avons participé aux festivités. Une ambiance régnait sur la place du village, tous le gamins étaient très exubérants, comme savent l’être je pense les Basques. Nous avions sympathisé avec un gamin de notre âge, assez frondeur qui exprimait vraisemblablement sa joie un peu plus fort que les autres. Quand deux gardes civiles lui ont mis la main sur l’épaule, pour lui dire de se calmer, là j’ai vu, dans les yeux d’une maman, ce qu’elle pouvait ressentir : l’effroi, la détresse, la peur, la panique. Tous ces ressentiments mélangés et je suis sûr, (il ne faut pas oublier que c’était l’époque du franquisme au pays basque, une tension non ordinaire flottait dans l’air), que cette maman s’est imaginé, je ne sais quoi, mais une chose est certaine, elle tremblait de peur, une peur pleine d’effroi. Ce qui s’avéra infondé car la fête continua, sans appréhension tout du moins visible.

Ayant un trou de mémoire, je présume, dû à un excès de boisson alcoolisée, je ne me rappelle pas de la fin de soirée, ne reprenant connaissance qu’à mon réveil le lendemain matin. Si, si ! Il me reste quelques souvenirs flous de cette nuit, Michel sortant de la tente, nous enjambant pour se soulager d’urgence.

Par contre, une énigme c’est posée quand nous avons vu l’endroit où notre véhicule était garé. Comment cette voiture était arrivée là où elle se trouvait, au milieu d’arbres ? Il a fallu à Michel, je ne sais combien de manœuvres pour sortir l’auto de ce labyrinthe. Nous étions très étonnés car la veille, quand Michel a garé son véhicule, il devait être comme moi dans un certain état d’ébriété ? 

Nos voisins, des Belges que nous ne connaissions pas la veille, se sont installés dans la nuit, vu la tête de l’un d’eux, pleine d’hématomes et de cicatrices à son réveil, nous en avons déduit que eux aussi avaient bien profité des boissons alcoolisées vendues très bon marché. Les tuméfactions de son visage étaient la preuve d’un retour très chaotique. Pour sa défense, il faut dire que le terrain de camping se trouvait dans un bosquet dont le sol était jonché de branches mortes, ce qui ne facilitait pas la marche, même dans des conditions normales, alors je ne vous dis pas la nuit avec les brumes de l’alcool en plus ???

Mes deux amis ayant repris un peu de leur forme, nous reprîmes la route. Je ne me rappelle pas la motivation de notre direction via Pampelune et Vittoria où nous avons planté notre tente. La chance à voulu qu’une fête, genre fête foraine, mais pas comme chez nous, rien à avoir, une énorme liesse dans les rues. Une chose qui m’a étonné, nos fêtes paressant bien ternes en comparaison, très bons souvenirs de cette soirée !

Encore une fois, je ne me souviens pas du motif sinon celui de découvrir le pays, nous avons repris la route direction Burgos Léon. Très beau périple, nous avons eu l’impression de revenir une centaine d’années en arrière, les agriculteurs travaillaient encore avec des chevaux, des mules et des ânes. Nous en croisions partout, bâtés avec d’énormes chargements, où un homme sur le dos trottinant, en traversant ce que j’appelle le désert de Léon. Nous sommes passé dans un village où les villageois égrenaient des céréales, je pense à du blé ?? sur une aire de battage, à l’aide de fléaux et de mules tournant en rond sur la bauge.

Je crois me rappeler avoir vu des femmes toutes vêtues de noir et voilées comme les islamistes, je ne peux l’affirmer, mais pourtant je garde cette vision. Sur la route, nous nous sommes arrêtés devant ce qui devait être un bar, une cabane plus qu’une maison en pleine campagne. ce qui nous a permis de reconnaître ce débit de boisson, c’était l’affiche coca cola sur la porte. Dans ce bistrot, quand nous sommes rentrés à l’intérieur, une forte odeur de cochon régnait, je ne suis même pas certain que nous ayons consommé quelque chose.

Notre périple continuant, nous avons repris la direction de la mer, c’était le deuxième dimanche de nos vacances. Nous roulions entre Llanes et Santander, il bruinait, nous devions être joyeux quand vers seize heures dans un virage, la voiture au lieu de tourner, a filé tout droit direction le parapet d’un viaduc haut d’une quinzaine de mètres (photo ci-dessus). Pour notre survie, la chance (si on peut dire) à voulu qu’une voiture venant en face nous ait servie de tampon, nous évitant de heurter le parapet en nous renvoyant sur l’axe de la chaussée. Les deux voitures arrêtées, tous les passagers sont sortis par un pur miracle, indemnes, les occupants de l’autre voiture comme nous trois. Par contre les voitures n’étaient plus en état de rouler, il fallait attendre des dépanneuses pour dégager la route.

Rapidement le constat de l’accident a été rédigé, le chauffeur de l’autre véhicule, un français du nord de la France, connaissant vraisemblablement les us et coutumes du pays en cas d’accident et la réaction des autorités espagnoles, s’est empressé de quitter les lieux en s’embarquant dans la voiture de leurs amis qui les suivaient, nous laissant seuls. Mais pas pour longtemps, nous ne savons qui a prévenu la police, celle-ci est arrivée très rapidement et nous a intimé l’ordre de monter notre tente dans une prairie en bas du viaduc, nous faisant comprendre que nous étions obligés de rester sur place et qu’ils montaient la garde avec des balles réelles dans les chargeurs de leur fusil.

Le lendemain matin, un juge et des policiers sont venus pour le constat, ils ont fait un procès verbal puis ont arrêté une voiture, un volailler. Ils ont invité Michel à monter à côté du chauffeur direction la prison de Llanes. Pour Pierrot, si je me rappelle bien, c’est un scooter que les policiers ont arrêté, via lui aussi Llanes. Quand à moi, le juge m’a pris dans sa voiture, une deux chevaux verte, pour la même destination.

Notre séjour dans cette geôle a duré du matin au soir, mais les espagnols ne sont pas bêtes, pour le repas, nous étions accompagné de deux gardes civils qui nous ont regardé manger puis nous ont ramenés à la prison la nuit. Nous sommes retournés à la tente le lendemain matin direction le tribunal. Le procès s’est déroulé en espagnol, nous n’y avons rien compris. Une anecdote qui m’est arrivée pendant la séance de ce jugement, une envie d’uriner pressante se manifesta, impossible de me faire comprendre oralement, alors je le fis par des gestes en me mettant debout et mimant avec mes mains l’ouverture de ma braguette. Réussite ! Car un gardien m’a accompagné aux toilettes. Quand au résultat du jugement, Michel en a été informé plus de six mois après.

Nous avons eu la chance dans notre malheur que ce coin d’Espagne ressemblait a un petit paradis. Je dis ressemblait car nous y sommes retournés plusieurs fois depuis, (entre autre pour notre voyage de noces), aujourd’hui le site n’a pas changé, un camping s’y est installé. Sans être devins nous avions imaginé cette évidence, tout se prêtait à une telle réalisation. Description de ce coin de paradis : une prairie adossée à une colline boisée d’eucalyptus, traversée par un ruisseau, un fleuve, contournant la colline pour se jeter dans l’océan. Après ce contournement, nous arrivons sur une plage de sable fin avec une vue panoramique sur la mer. Un énorme rocher au large, dans cette anse, un hôtel où les chambres donnent directement sur la mer avec un bar en annexe où le patron est un vieil homme réactionnaire. Dans ce petit caboulot avec une vue imprenable, nous avons dégusté nos premières moules à l’escabèche et nos premières olives farcies aux anchois.

Pendant ce séjour forcé, nous avons appris comment pécher les calamars avec un harpon équipé d’un chiffon blanc. Cet instrument, je l’ai su plus tard, se nomme une turlute, autre pêche passionnante, celle des pousses pieds, un petit coquillage en forme de pied de mouton poussant sur les rochers. Les espagnols sont très friands de ce petit crustacé, et moi, je partage leurs goûts, ce met est délicieux. Pour mon bonheur, nous étions à proximité d’une petite ferme agricole, où pour cinq francs, les agriculteurs m’ont loué leur cheval pour un après midi, cette location m’a permis de caracoler dans la montagne nous environnant. Un petit bémol à une complète satisfaction n’ayant pas d’harnachement pour ma monture, mon escapade se déroula à cru, ce qui donna une irritation désagréable à l’extrémité de mon coccyx. Ce qui me convainquit de ne pas recommencer mon périple.

Nous sommes restés quelques jours, en attendant que la voiture soit emmenée sur camion dans un garage à Santander où un mécanicien a rafistolé la DS de manière à ce que nous puissions rentrer dans notre village. Cette réparation provisoire nous a permis d’arriver à bon port, mais nous ne pouvions pas rouler de nuit, les phares ne fonctionnant pas. Cette voiture en bonne servante, arrivée dans la cour des parents de Michel s’affaissa (problème d’hydraulique). La voiture ne put repartir pour sa réparation qu’en remorque.

Je termine le récit de notre première escapade à l’étranger tout du moins pour moi.

Pour toi Pierrot aujourd’hui Momo, quand tu liras ces lignes j’espère que tu prendras du plaisir si tu trouves des erreurs où des oublis, notes les, et fais les moi connaître. YD

Pour les photos : Le pont lieux de l’accident.

La tête du Christ côte atlantique de Llanes

Ce site est resté dans ma mémoire nous y sommes revenu passer des vacances, pour moi cette région est synonyme d’un petit paradis l’océan et ses plages, les piques d’Europe classés comme une des plus belles vues du continent

2 Comments

  • C’est bien l’Espagne des années 60-70 que tu ravives en nos souvenirs. Et l’évocation d’une « Guardia Civil » inflexible en ces temps là, une jeune française abattue par elle devant nos yeux à Castellón de la Plana, Après une soirée arrosée et interpellée, elle cherchait ses papiers dans son sac, ls gardes pensaient qu’elle allait sortir une arme … ils ont tiré !
    Oui, l’Espagne, sinon et heureusement, d’autres très bons souvenirs à travers ses provinces : Andalousie, Castille (y Leon et y Mancha), Estrémadure, Galice, Asturies, Cantabrie, Catalogne, Euskadi … arpentées, jeunes, en voiture, retraités avec le sac à dos : plus de 4000 kms vers Compostelle, Camino Frances, Via de la Plata, Camino del Norte, Camino Primitivo, Camino Portugues …
    Hasta luego …

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