Ma carrière professionnelle prit son essor dans la banlieue Parisienne en tant qu’ajusteur dans une usine : la THOMSON HOUSTON en 1961.
En parallèle de cette vie de travail ma vie civile fut pleine de rebondissements, il n’y avait rien de surprenant vu mes relations, je partageais mes temps de loisirs avec deux genres de personnages pour les différencier disons des sérieux et des moins sérieux.
Ces futures lignes vont relater une anecdote avec les moins disciplinés, ou les plus turbulents. Quand nous étions réunis, cette joyeuse bande était composée d’un Breton, il avait une particularité, nous ne l’avons jamais vu le torse nu même quand nous allions nous baigner, lui restait de côté attendant notre retour.
Il y avait aussi deux Charentais de Rochefort, des pas tristes, un Algérien, un Limousin, un Tourangeau, moi. À cette coalition vint s’ajouter deux autres personnages rencontrés dans une circonstance que je ne peux oublier en voici le récit.
Tout commença le soir où nous avons vu arriver un pensionnaire du foyer la tête complètement tuméfiée, il nous raconta sa mésaventure, il était lui aussi ajusteur, mais dans les usines Dassault du côté d’Argenteuil. En revenant de son travail, il lui fallait traverser une fête foraine située sur une place entre des parkings en contrebas d’une route pavée. Je précise ces détails pour le rôle qu’ils ont joués dans les événements à suivre.
Notre personnage agressé nous conta sa mésaventure, il avait été pris à partie par des blousons noirs (c’était la pleine époque de cette sorte de voyous) qui l’ont passé à tabac. Il n’en fallait pas plus pour que nous nous érigions en justiciers, nous les provinciaux du foyer, ils allaient voir ce qu’ils allaient voir ces voyous.
Bien nous en a pris, le lendemain de ce fait divers, nous sommes allé au-devant de notre camarade sur le terrain où se tenait la fête foraine avec la ferme intention de venger la victime de la veille.
Ce soir-là, nous n’avons rencontré qu’un seul agresseur de la veille, comme nous étions en force nous l’avons un peu malmené lui donnant rendez-vous pour le lendemain avec toute sa bande pour que nous puissions en découdre.
Eh bien oui, le lendemain ils étaient bien là, mais cela ne fut pas du tout ce que nous avions imaginé. Si nous nous étions une vingtaine, nos adversaires, étaient beaucoup plus nombreux et pas des paysans endimanchés, des vrais bagarreurs de banlieue, des pros de ce genre de rixes. Tant et si bien que notre règlement de comptes ne dura pas très longtemps mais assez pour que je ressente la première grande peur de ma vie.
Nous nous sommes rendus sur le champ de bataille nous croyant forts les mains vides imaginant une bagarre de gentlemans avec les poings, même pas de coups de pied, mon point de vue personnel.
Mais pas du tout, dès notre arrivée sur le futur champ de bataille, nous avons été accueillis par des loubards armés de gourdins, de chaînes de vélos, des pommes de terre fichées de lames de rasoirs…
Ce champ de foire était situé comme indiqué plus haut au milieu d’un parking en contrebas d’une rue pavée, il ne fallut pas longtemps pour que nos adversaires arrachent ces pavés, nous les balançant du haut du contrebas. Nous entendions le bruit que faisaient ces projectiles quand ils tombaient sur les voitures du parking.
Il y avait un manège de voitures électriques, le patron de ce manège avait défait une rambarde de protection en fer et il s’en servait comme d’une arme en tapant à qui mieux, ne choisissant pas qui avait raison, qui avait tort. Il tapait, j’ai eu peur quand j’ai vu un garçon recroquevillé par terre. Cet état de fait n’arrêtant pas son adversaire qui lui donnait des coups de pied aussi bien dans la tête que dans le corps en prenant de l’élan pour taper plus fort.
Il nous arrivait comme projectiles outre les pavés, ces pommes de terre lardées de lames de rasoir. Pour moi, je ne sais pas pourquoi je me suis trouvé avec un Algérien résidant du foyer, au milieu d’un cercle de ces ennemis d’un soir. Ils m’ont assené une raclée, j’y ai perdu un pull-over vert que tante Madeleine m’avait tricoté et mon col de chemise.
Si je suis sorti de cette échauffourée dans un triste état, la cause, les nombreux coups de pied et coups de poing. Ce sont les coups de pieds qui m’ont marqués le plus car je me suis baissé pour me protéger des coups de poing et c’est à ce moment-là qu’une salve de coups de pied est venue frapper ma tête.
Heureusement pour moi, je n’étais pas le seul prisonnier de ce cercle. Un jeune Algérien que nous avons surnommé après Babel, diminutif de Babel Oued, sa ville de naissance. Lui aussi résidait au foyer, je ne le connaissais que de vue mais suite à cette échauffourée, nous sommes devenus amis.
Celui-ci s’était procuré une arme de circonstance, il avait récupéré un tuteur d’un jeune arbre planté récemment sur le parking. Il se servait de ce bâton comme moulinet afin de tenir à distance nos assaillants. Je ne me rappelle pas tout de ce moment par contre je sais que je me suis échappé de cette fâcheuse posture en courant comme un dératé.
Arrivé dans ma chambre, je me suis allongé sur le lit et là nerveusement j’ai pleuré de frayeur rétroactive. C’est aussi grâce à l’arrivée des cars de police que j’ai pu m’échapper. Quand ils sont arrivés toutes sirènes hurlantes, les belligérants d’un soir se sont volatilisés dans la nature comme une volée de moineaux.
Le lendemain, France Soir relatait l’événement en titrant : Bagarre à Epinay-sur-Seine entre des jeunes travailleurs du foyer et les blousons noirs d’Argenteuil.
À cette époque, je portais une barbe taillée en bouc, et j’avais entendu sur le champ de bataille que nos assaillants avaient remarqué cette particularité. J’avais compris dans leurs échanges oraux à plusieurs reprises qu’ils me cherchaient, je les entendais crier où est le bouc, ce qui ne faisait qu’augmenter ma terreur, et c’est pourquoi je me suis empressé de raser cette particularité afin de passer moins reconnaissable dans le quartier. Il n’y a pas que ma barbe que j’ai rasée en cette période, je rasais aussi les murs.
Étant donné l’importance de Paris, et sa banlieue, il ne m’est jamais arrivé de croiser, un ou plusieurs de ces banlieusards, ou si cela s’est produit nous ne nous sommes pas reconnus. Il a fallu quelques années suite à mon retour en Touraine pour que je rencontre un protagoniste de ce jour.
Cet événement a eu lieu un après-midi à Montbazon, en juillet, où en août. M’arrêtant sur le parking de la mairie, c’était l’époque où l’autoroute A10 n’existant pas, les vacanciers du nord de la France devaient emprunter la nationale 10 pour se rendre dans le sud-ouest. De ce fait, ces migrants saisonniers devaient traverser les villages se trouvant sur le tracé de cette nationale entre autres Montbazon.
Cet arrêt devait être motivé pour un achat des cigarettes. Il y avait une chance sur un million pour que l’événement à venir puisse se produire. C’est en sortant de ma voiture que j’ai été intrigué par le visage d’un automobiliste s’extirpant lui aussi de son véhicule. Ce Monsieur eut le même réflexe que moi, mon visage lui évoquait un souvenir non défini. Voyant le scepticisme interrogateur affiché sur son visage, ma curiosité bien connue fut exacerbée c’est pourquoi je me suis permis de l’apostropher afin de résoudre l’énigme que la vue de ce visage avait éveillée.
Bien m’en a pris, ce dialogue nous a permis de nous rendre à l’évidence, nous ne nous étions rencontrés une seule fois lors de la bagarre sur le parking d’Epinay-sur-Seine, pour le coup de poing et en tant qu’adversaires.
Cette ultime rencontre encore une fois fut le fruit d’un hasard énigmatique. Il est dans l’hypothèse où nous donnerions une explication à ces événements qu’ils perdraient leurs originalités. À trois minutes près pas de rencontre.
Moralité ne jamais faire justice soi même
Merci pour ta publication
Bizarre ! bizarre ! Tout au départ une simple bagarre de gaillards pas trop couards en pétard, un peu tête de lard et en mal de coquards pouvant les mener au mitard, voir au corbillard.
Passés ces avatars, quelques années plus tard, issu du brouillard des cauchemars vasouillards d’un vieillard babillard, jaillit soudain « l’heureux hasard » si cher à Yves Duhard… Ah vieux veinard cette fois encore enfin peinard !!!
En 1962 J’habitais rue Emile Zola à Asnières à coté de la porte d’Argenteuil. Les blousons noirs ( garçons ou filles), leur mob bleue avec guidon bracelet, selle biplace ( la copine en amazone) et échappement libre, faisaient des rodéos.
Yves tu as l’exclusivité des hasards heureux…y aurait-il un Saint Hasard? Tu dois avoir un ange gardien bien sympathique qui veille. C’est peut-être le même qui pilote tes écrits.
Jean-Lou