Voici le lien d’une histoire, parue le 30 octobre 2021 dans la série des hasards et venant compléter cet article : PARIS 1961 – MONTBAZON 1972
Mes relations plus ou moins douteuses.
Les causes qui me font tenir de tels propos, ce sont des situations où nous avons frôlé la délinquance, et je peux me targuer d’avoir évité la réalisation de délits qui nous auraient conduits devant des juges. Toute cette bande de joyeux lurons, mineurs (la majorité en ce temps là était encore à 21 ans). Ainsi, avant l’arrivée de Michel Poncel, nul n’avait son permis de conduire, mais tout changea avec l’intégration au groupe de ce nouvel arrivant. Étant en possession du permis de conduire, il acheta une voiture, une DS 19 noire. Je crois me rappeler que toute la bande participait aux frais occasionnés par l’utilisation de cette voiture. Ce véhicule nous donna une autonomie dont nous avons beaucoup usé : des sorties nocturnes sur Paris pour assister à certains spectacles ; mais nous étions surtout très présents à Pigalle, allez savoir pourquoi ? Il y avait un endroit où nous nous rendions très souvent les dimanches d’été, après-midi : Trilport. Dans ce village, il y avait une petite plage aménagée sur la Marne où nous nous baignions et une guinguette où nous dansions et draguions. Les retours étaient épiques. Nous profitions des bouchons (eh oui, déjà) sur la route pour faire connaissance avec les usagers partageant les mêmes problèmes de circulation que nous.
Voilà pourquoi je présume qu’il n’y avait pas beaucoup à faire pour que ces jeunes gens passent la frontière, de jeunes gens en apparence biens, en délinquants. La veille d’un quatorze juillet où nous étions réunis dans ma chambre, un de nous lança : Et si nous allions passer la fête nationale au bord de la mer ? Il faut croire que cette perspective plut à tout le monde, car d’un commun accord, il fut décidé que la destination pour accomplir ce périple serait Royan. Sitôt dit, sitôt fait, branle bas de combat malgré l’heure tardive : il devait être 22 ou 23 heures. En très peu de temps, nous voilà en voiture direction le Sud-Ouest, sachant que papa et maman sont partis au Verdon, la maison de Chemillé étant vide. Je propose à mes acolytes de dormir à la maison. Nous sommes arrivés vers 2 heures du matin et notre halte fut de courte durée. Nous étions tellement excités qu’il nous fut impossible de dormir. Je ne me rappelle pas comment nous sommes rentrés dans la maison, je crois avoir cassé un carreau. Je n’en suis pas certain, ce qui est sûr, je n’ai pas pu refermer les volets, je les ai simplement poussés pensant que grand-mère Marie veillait sur cette maison pendant l’absence de papa et maman. J’avais fait du café, mais pas lavé les tasses, laissant un mot à grand-mère lui indiquant notre passage. Contrairement à mes espérances, celle-ci ne venait pas, tant et si bien qu’au retour des parents, tout était dans l’état où nous l’avions laissé : il y avait de la moisissure dans les tasses.
Après ce bref arrêt, nous avons repris la route direction Royan, mais avant d’arriver à destination, un accident. Je pense avec le recul que notre chauffeur n’ayant pas dormi de la nuit, à l’aube, il a dû s’assoupir. Quoiqu’il en soit la raison, nous nous sommes retrouvés dans un trottoir avec une roue hors d’usage. Pour le lieu de cette mésaventure, je ne suis pas très sûr de l’endroit, je présume Niort ou Saintes, une de ces deux villes.
Résultat de cet accrochage, il nous a fallu courir les casses pour nous dépanner, ce qui a mis nos finances à plat. Nous étions partis comme des oiseaux, heureusement, nous avons dormi sur la plage une nuit et l’autre nuit, chez les parents d’un des deux charentais. À cette époque, il n’existait pour nous qu’un seul moyen de paiement : l’argent liquide. Ni les carnets de chèques ni les cartes bleues n’avaient cours pour nous, les jeunes ouvriers. Les carnets de chèques étaient réservés aux entreprises et peu de particuliers en possédaient. Les cartes de crédits n’existaient pas. N’ayant plus d’argent, nous ne savions pas comment faire pour mettre de l’essence. La jauge du tableau de bord nous indiquait que nous ne pourrions rentrer à Paris sans ajouter du carburant. Il nous restait de quoi parcourir la moitié du trajet, c’est-à-dire que nous devrions réalimenter notre voiture en essence aux environs de Tours. Comment faire sans argent ? Et c’est là que j’ai dissuadé mes amis de commettre une énorme bêtise qui aurait eu des conséquences que je n’ose même pas imaginer. Ils avaient simplement imaginé de faire un casse dans une station service : de faire le plein d’essence, casser la gueule au pompiste, et voler la caisse. Me montrant fermement opposé à cette solution, il me fallait en trouver une autre. Comme ce besoin de carburant se ferait pressant dans les environs de Tours, j’ai suggéré à ces « voyous » de repasser par Chemillé et de se faire servir de l’essence sur le compte de papa chez Rocheron, l’épicerie du village qui vendait entre autres de l’essence et où papa avait un compte qu’il payait au mois.
Une partie de mes amis les moins recommandables.
J’ai toujours pensé et aujourd’hui encore, j’en suis persuadé que ma présence ce jour-là a évité que nous ne fassions la une des faits divers, car, tels que je connaissais mes compagnons de virée, ils étaient capables de mettre à exécution ce forfait.
Une autre fois où nous avons frôlé les déboires de justiciables, cet événement s’est déroulé dans un quartier de Paris. Je ne me rappelle plus lequel, mais ce n’est pas important. Nous avons été pris par une rafle et conduits au poste. Un des Charentais avait sur lui une bouteille de gnole, pour je ne sais quelle raison, se cassa au milieu du commissariat en tombant sur le carrelage. Branle bas dans l’établissement, ce soir-là, la chance a voulu que lors de la vérification de nos papiers, qu’un policier, en vérifiant les papiers du transporteur d’eau de vie, après maintes questions, se rende compte qu’il avait fait son service militaire avec le père de celui-ci. Nous avons dû, après avoir nettoyé les dégâts occasionnés par cet incident, notre libération qu’à cette ancienne cohabitation sous les drapeaux de ces deux soldats.
Passons aux autres fréquentations beaucoup plus sérieuses, quoique ? Il y avait dans cette autre bande de quatre personnages, des ingénieurs et des techniciens, des mecs qui étaient allés plus loin que moi dans les études. Avec eux aussi, j’ai voyagé, mais des voyages bien préparés avec des aléas qui m’ont laissé des souvenirs.
Oublions ces désagréments pour nous rappeler les bons moments : avec cette bande, nous avons fait de belles excursions en Belgique, en Normandie, etc. Mais attention, avec ces messieurs, si nous partions plusieurs jours, nous dormions dans des hôtels, pas sur la plage comme avec d’« autres ». Le standing n’était pas le même. Il en était un parmi nous, les petits aléas qui lui sont arrivés nous amusaient fort, nous permettant de rire. Je ne peux passer sous silence ces petits moments de rigolades : Un avatar dont il fut la victime arriva sur l’itinéraire Epinay via Namur en Belgique. Nous longions une rivière, la Semoy. Le temps était splendide, nous devions être au mois de juin ou juillet. Il n’en fallait pas plus pour que nous prenions l’initiative de nous baigner. Sitôt dit, sitôt fait, tout ce petit monde en maillot de bain et à l’eau. Sur les quatre baigneurs, un seul fut bouffé par les moustiques : ce fut Alain, mais attention, ce n’était pas de la rigolade : il était gonflé comme une baudruche. Ce mal n’a pas duré bien longtemps, mais ce petit désagrément à son encontre nous a amusés, nous les sans cœurs. Ce fut au cours de ce voyage que nous avons visité les grottes de Han.
Un autre incident où nous avons ri, nous étions partis un dimanche matin, de très bonne heure pour la Normandie. Arrivés à Étretat pour prendre notre petit déjeuner, sortant de la voiture pour nous dégourdir les jambes, nous exécutons quelques pas de course. Dans l’élan de cette gymnastique, une partie de saut mouton s’organise. Eh que croyez-vous qu’il arriva à notre malchanceux : son pantalon se fendit, laissant ses fesses à découvert. Comment faire un dimanche matin quand tous les magasins sont fermés pour le repos dominical ? Nous avons réparé cette déchirure avec l’aide d’une aubergiste qui nous a procuré aiguille et fil.
Encore un événement qui aurait pu me coûter très cher, ma chambre dans ce foyer était située au 7e étage côté entrée du bâtiment. La chambre d’Alain était au premier étage à l’arrière de ce même bâtiment. Nous étions au tout début des sacs en plastique, et je m’amusais du haut de mon perchoir à jeter par la fenêtre ces pochons que j’avais auparavant remplis d’eau. Le spectacle était des plus drôles : pour commencer, on voit le projectile descendre, nous suivons la trajectoire, mais le plus beau se réalise à l’impact, quand le sac éclate devant la cible. Cette distraction, que j’ai pratiquée plusieurs fois, sans jamais une anicroche, a ma grande satisfaction.
L’événement suivant fut la cause de l’arrêt de ce divertissement : un après-midi où Alain me tenait compagnie dans ma chambre, celui-ci regardant par la fenêtre aperçoit un quidam se présentant à l’entrée de l’immeuble. Voulant m’imiter, il se précipite sur un sac en plastique, le remplit d’eau et le balance par la fenêtre pensant effrayer sa cible. Je ne l’ai pas vu, j’ai simplement entendu mon ami s’écrier, le projectile à peine parti : Ho, là, là ! La deux chevaux. Et oui, par malheur, il a raté son but, mais pas la voiture garée devant l’immeuble. Le capot de celle-ci fut complètement enfoncé. Suite à cet incident, nous sommes descendus sans retard dans la chambre de ce tireur à la manque afin de me fournir un alibi. Il était certain que le directeur ne manquerait pas de mener son enquête pour connaitre la chambre d’où était partie la bombe d’eau. Et du fait, cela s’avéra juste : je fus convoqué dans le bureau du directeur qui me demanda où j’étais à l’heure de ce bombardement. Il m’entendit lui répondre, comme il était prévu, qu’à l’heure du délit, je me trouvais dans la chambre du mauvais tireur. La réponse lui a suffi : mon ami avait une réputation de jeune tellement sérieux.
En écrivant les déboires survenus durant cette période parisienne, à cet ami, il m’en vient une autre, celle-ci s’est passée ultérieurement. Il devait être âgé d’environ 14 ans. Papa nous avait fabriqué un radeau pour que nous puissions nous amuser sur le bief en bas de notre jardin. Comme la plupart des gamins de Chemillé, il est venu jouer au marin d’eau douce, mais nous, nous étions des poids légers : la moyenne d’âge devant être de 11,12 ans. Sous nos poids, le bateau restait en surface, mais lui, plus âgé, donc plus lourd, lors de son embarquement, le frêle esquif s’enfonça, tant et si bien que notre ami perdit l’équilibre et se retrouva complètement immergé, trempé de haut en bas.
Il en est d’une autre histoire de cette époque écrite sous l’intitulé : Un drôle de voyage, parue le 20 décembre 2023.