Le lendemain de cette fête (les crêpes), le test économique se déroulait dans mon secteur, chez un de mes clients, Michel Vincent. Cet agriculteur travaillait avec son fils Jean Michel. Notre relation était plus proche de l’amitié que commerciale, il en résulta une nouvelle expérience, celle de démontrer mes talents culinaires.
La raison de cette nouvelle démonstration en cuisine : les techniciens accomplissant les expériences sur le terrain, nous avaient précédés afin de préparer le matériel. Ils investissaient donc le terrain des manœuvres le matin, nous les commerciaux, nous arrivions en début d’après-midi, ce qui leur avait donné le temps d’informer Jean Michel de nos frasques de la veille.
Ce jeune homme étant un épicurien, bon ton m’accueillit tout de go, en m’informant de sa mise au courant pour la soirée de la veille, m’intimant de réitérer ma dextérité dans la pâtisserie en matière de conception de crêpes. Pour me convaincre de passer aux fourneaux, il n’eut pas besoin d’insister beaucoup.
J’avais un petit doute pour la réaction de sa maman, j’étais sceptique quant à son appréciation, quand elle nous verrait investir sa cuisine. Je redoutais ce moment pour une bonne raison. Il m’était arrivé lors d’une transaction avec son mari, le marché conclu, le bon de commande signé, celle-ci en prenant connaissance de cet écrit, nous avait montré son désaccord en déchirant mon bon de commande sans coup férir, nous laissant pantois, lui comme moi.
C’est pourquoi je redoutais sa réaction, quand elle nous verrait prendre position devant sa gazinière, eh non, contre toute attente, comme la veille, elle eut la même réaction que sa collègue du nord du département. Très heureuse, mettant à ma disposition tout le nécessaire afin que je puisse réaliser mon œuvre, m’indiquant le frigidaire, en me disant de me servir de ce dont j’avais besoin.
Bernard Bois se mit sous mes ordres, me servant de marmiton. Pour m’être agréable, il ouvre le frigidaire, et là ! Ho surprise ! Deux lapins dans la tenue d’Adam attendaient pour être congelés. Devinez ce qui se passa, je me suis empressé de commander à mon aide de sortir ces deux rongeurs morts, afin de les fricasser. Ce maladroit de Bernard en exécutant cet ordre, renversa le récipient contenant l’huile de friture entreposée dans le réfrigérateur.
Je ne vous explique pas les dégâts, un moment d’inquiétude redoutant la réaction de la maîtresse de maison, et bien non ! Celle-ci riait de bon cœur en voyant la tête du fautif, tout penaud qu’il était devant sa maladresse, et pour nous démontrer sa bonne humeur, elle me demanda ce dont j’avais besoin pour cuisiner les deux victimes devant nous régaler. Je lui ai formulé ma requête : vin blanc, oignons, sel, poivre, et herbes aromatiques, ce qu’elle s’empressa de me fournir ainsi que l’autocuiseur pour mener à bien mon plat.
La soirée se termina dans une ambiance de fête pour le bonheur de chacun.
Aujourd’hui, plus de trente après, il me revient en mémoire la négociation de l’achat par ces cultivateurs du tracteur Deutz, la marque que je représentais.
Cette transaction des plus abracadabrantesques mérite une narration à elle toute seule, à n’en pas douter, elle prendra texte dans un proche futur.
Dimanche prochain, une histoire d’écrevisses.