25 août 2024

Une rencontre improbable.

Comment un aléa de la vie m’a confronté à une singulière situation ?

L’histoire à suivre est la conséquence d’un geste maladroit qui m’a envoyé dans les mains des chirurgiens préposés aux réparations des dégâts occasionnés par les maladresses, propres aux travailleurs manuels.

Le temps de mon hospitalisation me parut très court : Résumé de ce petit séjour.

Ce « grave » accident est arrivé vers 18H30 un vendredi. Nous avons, Arnault et moi, travaillé tout l’après-midi. Arnault venait de partir. Tout ce moment passé ensemble, je n’ai fait que lui dire : Fais pas ci ! Fais pas ça ! Et pour moi, plus malin, j’ai oublié tous ces conseils, c’est pourquoi, devait arriver ce qui arriva.

Une maladresse qui ne pardonne pas avec « ces machines gourmandes de viande ».
Après un geste malheureux, tenant ma main gauche de ma main droite sanguinolente en sortant de mon « trou », demandant à Danièle d’appeler les pompiers en l’avisant de mon état de fait, je venais de me blesser deux doigts.
 
Nos soldats du feu sont arrivés de suite, ils m’ont embarqué illico direction les urgences de l’hôpital Trousseau. j’ai tout de suite été pris en charge par l’équipe chirurgicale, si bien qu’à 23h30, je me retrouvai en salle d’opérations. Ils ont simplement insensibilisé mon bras pendant le temps de l’intervention, 1h15 environ ; je bavardais avec les anesthésistes pendant que le chirurgien opérait mes doigts. Quand il fallut prendre la décision de me séparer de ce membre ou de le garder avec la perspective d’un certain nombre d’interventions sans obligation de résultat,  je pris la résolution de me séparer de la première phalange du majeur de ma main gauche. Soixante-quatre ans de fidèles et loyaux services !

Suite à cette intervention, ils m’ont emmené dans une chambre de deux lits vers 1h30 . Peu de temps après, il arrivait comme compagnon de chambre, un homme atteint d’une bronchite chronique et qui toussait énormément. Je redoutais de me retrouver en sa compagnie dans la même chambre, car déjà, dans la salle d’anesthésie, je l’entendais avec l’appréhension de partager la même pièce, ce qui arriva. Heureusement, une fois alité, plus de quintes, je dormis du sommeil du juste.
 
Au réveil, voulant faire connaissance avec mon voisin de lit, je le prévins que j’étais un bavard, mais que si mon élocution devait le gêner, je mettrai fin à mes élucubrations.
 
Vers dix heures le lendemain matin, une de ses amies, lui rendit visite. Cette personne s’enquérant de ses besoins du moment, je l’entendis répondre d’une façon peu courtoise, ce pourquoi je me permis de lui dire :

– Vous agissez en enfant gâté, vous devez être un enfant unique.

Ce que la femme me confirma.

Son désir était de pouvoir lire des quotidiens. Une fois en possession de ces journaux, Les Échos, Le Figaro, je le vois aller directement aux pages des finances. Pour ce qui est du Figaro, il est facile de reconnaître la particularité des pages relatant les cours de la Bourse : elles sont roses. Je ne sais pas pourquoi, mais le comportement de monsieur m’intriguait, je m’entends lui dire :

– Vous, vous faites partie de la jet set !

Ce à quoi il me répond :

– Non, car moi, je travaille.

Continuant, je lui dis en pensant à la crise boursière vécue dernièrement :

– Vous, vous avez dû morfler… Et continuant mon dialogue : « ce qui n’est pas trop grave, car un milliardaire qui perd la moitié de sa fortune, il lui en reste encore plus que le commun des mortels ».

Suite à un moment de silence, j’entends cette réplique :

– C’est une certaine  façon de voir les choses.
 
Voilà comment nous sommes entrés en relations.
 
   

En ancien hospitalisé, j’ai avisé mon colocataire de mes passages, conséquences de deux accidents du même genre dans ce bâtiment de soins. Je gardais un très mauvais souvenir de la cuisine. Quand je lui en fais part, il me répondit d’un ton sarcastique :

– Vous me paraissez être bien difficile.

Mais quand le repas fut servi, il se rendit à l’évidence. Comme lui n’était ici que par  obligation, il n’aurait jamais dû être dans un hôpital. Sa place est dans une clinique du XVIe arrondissement à Paris avec son chirurgien qui l’avait opéré d’une prothèse de la hanche. La cause de son passage en ce service chirurgical est que cette prothèse était sortie de son logement alors qu’il prenait l’apéritif chez une amie résidant à Tours. La visiteuse du matin, au cours de nos palabres, j’ai compris que cette dame faisait partie du même milieu, ne parlant que de voyages et de réceptions, ne voyageant qu’avec Clio ou guide particulier. Un de ses projets, partir  pour la Chine en compagnie de cinq ou six de ses amis, mais attention, avec un accompagnateur personnel .

Nos échanges verbaux commençaient à prendre une tournure ; je me réjouissais en rentrant dans ma façon de dialoguer pleine d’ironie et de sarcasmes. Par coquetterie, je voyais bien qu’il me cachait son âge, mais à force de parler, en me racontant des bribes de sa vie, j’en déduisis qu’il était né en 1933, mon aîné de 9 ans.

Pour classer ce personnage, un de ses fils siège à la direction de la société SUEZ et son autre fils, je ne me rappelle plus, a une situation du même acabit.

Lui, il a fait sa carrière en parcourant la planète à la recherche de marchés pour une maison de champagne ; dont il était, si je ne m’abuse, un des principaux actionnaires, sinon le principal. Dans une autre de ses fonctions, il était impliqué dans des conserveries en Amérique du Sud, des usines métallurgiques dans l’Est de l’Europe, etc.
 
La journée du samedi s’est passée sans aléas, avec quelques échanges verbaux forts complaisants : « çà détend » ; c’est pourquoi je me suis senti obligé de lui dire :

– Nous n’aurions jamais dû nous rencontrer.

Il en a convenu, car il n’avait qu’une hâte, c’était de quitter cet établissement pour aller dans sa « clinique », retrouver son chirurgien. Pour agrémenter ce séjour, je ne suis pas certain que le mot agrémenté soit bien choisi, mais je n’en ai pas trouvé d’autres.

Vers 21h, le dimanche soir, alors que sa prothèse avait été remise dans son logement, le vendredi soir, en se retournant dans son lit, elle s’était déboitée à nouveau.


 
Revenons en arrière. La nuit du samedi au dimanche fut pour moi une nuit où j’ai souffert atrocement. Je n’ai pas compris et je ne comprends toujours pas pourquoi les infirmières ne voulaient pas me donner de calmants : elles devaient, ce que je crois, respecter les consignes sans vouloir y déroger en aucune façon, mais je souffrais et il est vrai que je ne fus pas aimable. Comme mon voisin n’était pas aimable non plus, et c’est peu de le dire, j’ai suggéré aux filles de mettre sur notre porte une pancarte nous classant comme des ronchons ou les deux Muppets shows ; pour être plus simple, les deux « vieux cons ».

Comme je râlais toujours pour les repas, je ne faisais que conforter ces dames dans leurs convictions, en pensant que j’étais un vieil irascible.

Si je te dis cela, la raison en est : lorsque mon voisin s’est à nouveau déboité la hanche, elles n’ont pas cru à cet incident et elles sont reparties en disant d’attendre quelques instants. Voyant cet homme commençant à transpirer, j’ai rappelé les infirmières. En patientant, j’ai mis de l’eau de Cologne sur une serviette et lui ai tamponné le front. Quand les infirmières sont arrivées dans la chambre, elles m’ont regardée avec des yeux ronds.

– Que faites-vous ? Me demandèrent-elles. Je leur ai expliqué que c’était une recette de grand-mère afin de soulager cet instant de mal-être. Toutes étonnées en me regardant, elles m’ont dit :

– Tout compte fait, vous n’êtes pas si méchant que ça.

Je ne sais et je m’en fous si ce monsieur était comme moi, je garde un très bon souvenir de cette cohabitation. Il m’a raconté en me précisant qu’il était étonné de son comportement : en général, il ne communiquait pas. Je m’étais aperçu dans ces conversations téléphoniques, que cela soit avec ses enfants ou d’ordre relationnel pour le travail : un ton de dominateur se remarquait à ses premiers mots.

Notre cohabitation prenant fin, nous sommes séparés en nous avouant l’un comme l’autre ; dans mon cas, j’étais sincère et lui, il n’est pas du genre à travestir son égo. Tous les deux, nous partagions le même avis, notre cohabitation nous avait bien amusée.

Malgré son invitation dans sa propriété au nord de Tours, je savais que je ne chercherai pas à le revoir : notre façon de vivre, sortie de ce milieu « carcéral », ne survivrait pas à nos modes de vies.

Ce personnage n’a rien fait pour modifier ma façon de juger les êtres nantis dans leurs comportements. C’était l’époque où l’interdiction de téléphoner était encore de rigueur, alors lui, il s’en foutait complètement, il passait la plupart de son temps en communications pour son business, sa famille, ses amis. Les infirmières lui enjoignaient de respecter le règlement, il les rabrouait d’une façon, à la limite de la grossièreté. Je ne me gênais pas pour lui faire remarquer cette façon intolérable de s’adresser à ses femmes de services. Il s’en foutait complétement de mes réflexions.

Histoire du chat avec mon voisin.



Ce monsieur possédait un chat. Pas un chat de gouttière, mais un matou de race chartreuse. Continuant de converser avec Danièle, ayant oublié mes propos sur le chat, j’entends derrière moi le voisin dire :

– Madame, votre mari est un raciste.


Tout étonné, je me retourne et lui demande pourquoi avais- je droit à ce qualitatif ? D’un ton très solennel, ce monsieur m’explique que nous ne devons plus dire « chats de gouttières », mais « chat européen » ; que j’étais passible de poursuites et, si je me rappelle bien, même de prison.
 

.


 

  
     

1 Comment

  • Cette aventure t’a surtout fourni l’occasion de te retrouver face à un personnage de ton acabit, un peu comme si tu contemplais ses propres élucubrations, à travers une glace sans tain ..
    C’est pourquoi malgré les outrances que tu lui reconnais, tu ne peux t’empêcher d’admirer avec complaisance son culot et son arrogance…
    En quelque sorte, l’attirance exacerbée de ce trait de caractère, pour contribuer à abreuver ton nombrilisme légendaire. FR

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Plateforme de Gestion des Consentements par Real Cookie Banner