
« Vous savez, quand les gens n’ont pas de moyens financiers, ils ne doivent pas venir en Égypte. L’Égypte est un pays très cher et vous avez de la chance, vous avez moitié prix sur la tarification des nuitées à l’hôtel ! Ce qui était vrai », dixit le directeur du Novotel au Caire.
Ne pouvant tenir compte de cet avertissement tardif, nous avons fait comme si nous étions des gens fortunés et avons fait confiance au chauffeur de taxi nous servant de guide pour la visite des pyramides et de leurs environnements : le musée et la ville du Caire, ce qui nous a ravis.
Pour la visite des pyramides, notre guide nous a débarqués dans un certain endroit du parking où je suppose que cet homme était de connivence avec bon nombre de ses amis. Tout était conçu pour une visite des plus complètes: les loueurs de chameaux, les chameliers et les guides attendaient. En voyant tout ce monde, je reste sur mes gardes, j’entame une négociation avec tous ces prestataires de service. Faisant confiance à notre taximan malgré des tractations très floues et non abouties, nous partons en caravanes, les enfants et moi juchés sur des chameaux.
Danièle, après un échec, ne voulait plus de monture, a marché en compagnie du guide. Souvenirs inoubliables, nous sommes allés au pied des pyramides et du sphinx. En chemin, notre guide nous a fait traverser en souterrain une petite pyramide et voulait, après cette prestation, que je lui règle une somme que je jugeais faramineuse. Comme je ne voulais pas régler le prix demandé, une discussion enflammée en résulta. Un compromis dut être trouvé, le retour se déroula dans une ambiance assez froide entre le guide et moi.
Présumant de la même situation pour les futures discussions avec le loueur de chameaux, pour le tout jeune chamelier et les bêtes, ce qui devait arriver arriva. Pour conclure, si je me rappelle bien, nous avons embarqué dans le taxi, réglant une somme nettement moins élevée, en intimant l’ordre à notre chauffeur de démarrer.
L’après-midi, nous avons passé un bon moment à visiter le musée des antiquités du Caire.

Comme nous devions faire attention aux dépenses pour les repas, nous nous contentions d’un plat unique. Pour les enfants et Danièle, je n’ai pas le souvenir de leur menu ; pour moi, ce fut des spaghettis à la sauce bolognaise relativement copieux et de moindre prix.
Notre voyage à Assouan était prévu pour une arrivée vers 17 heures. Pour des raisons effacées de ma mémoire, ce voyage eut lieu plus tôt que prévu. Nous avons atterri vers midi, nous obligeant à attendre dans l’aéroport. Comme nous ne pouvions pas prévenir nos hôtes de ce changement d’horaire, n’ayant pas de moyens de communications adéquats : ni téléphone ni adresse, il nous restait plus que d’attendre.
À l’époque, l’aéroport d’Assouan avait deux fonctions : l’une servant pour les civils et l’autre pour les militaires. Nous étions donc dans une zone militaire. Ne sachant rien de cet état de fait et voulant profiter de cette attente, j’invite Arnault à m’accompagner dans le désert nous environnant. Nous voilà partis pour cette petite ballade, marchant dans le sable sous un très beau soleil dans l’indifférence totale de notre environnement. Malheureusement, notre excursion fut de courte durée. Nous n’avions pas parcouru cent mètres que nous fûmes rattrapés par deux militaires armés de fusils mitrailleurs. Ils nous ont intimé l’ordre de bien vouloir retourner dans le hangar servant d’aéroport et de bien vouloir y rester, ce que nous fîmes en attendant la venue de notre libérateur qui arriva à l’heure prévue.
Entre temps, pour meubler notre attente, je me suis permis d’écouter les propos des guides s’adressant aux touristes : Je cite leurs mises en garde.
– Ici, vous êtes dans un pays où le vol est un jeu. Quand on vous annoncera un prix, vous devez le diviser par…
Je ne me souviens plus du chiffre cité, mais celui-ci était tellement énorme que cela en était rocambolesque. Après ces recommandations, un de ces guides demanda aux voyageurs s’il y avait des personnes intéressées pour aller à Abou Simbel en leur annonçant le prix : 700 francs. J’ai eu l’effroi pour moi en entendant ce tarif, sachant que ce périple était dans nos projets, et rien que le montant de cette escapade, 700 francs multipliés par quatre, mettrait à mal nos finances.
Enfin mes préoccupations s’atténuèrent aux premières paroles de mon ami. Après nous avoir récupérés à l’aéroport, il nous conduisit dans la villa où il habitait avec sa petite famille. Quel fabuleux plaisir en découvrant cette maison d’un grand confort avec un panorama s’offrant à nos yeux ! Nous qui étions venus pour voir des monuments, le premier cadeau de ces amis fut d’avoir élu domicile dans une résidence juchée en haut d’un coteau où nous surplombions ce premier barrage en rénovation, raison de leur présence en ces lieux. De la terrasse, nous dominions cette retenue d’eau où se situe l’ile d’Aguilkia, l’ile où fut transplanté le temple de Philae vers 1970. Voilà pour notre première surprise, ce n’était qu’un début.

Cet ami, se voulant être un homme responsable et pour nous démontrer qu’il n’avait pas pris notre venue à la légère, nous avait préparé un emploi du temps qu’il nous présenta en énumérant tous les sites que nous devions visiter. Quand il nomma Abou Simbel, je ne pus que lui faire part de mes soucis au point de vue finance. Avec un ton qui se voulait rassurant, ce qui s’avéra être une réalité, il me dit :
– À partir d’aujourd’hui, vous ne vous occupez plus de rien, je gère tout, et pour commencer, tu me donnes ton argent, car pour le change, j’en fais mon affaire.
Il m’expliqua que son taux de change n’avait rien de comparable avec le taux officiel : quand lui changeait 100 francs, on lui donnait 15 livres égyptiennes, le double de mon change lors de notre arrivée à l’aéroport du Caire.
Pour ce qui serait des dépenses à venir, comme nous sommes deux familles de la même composition, il paierait tout, et ce ne serait qu’à la fin de notre séjour qu’il ferait les comptes en divisant par deux, en finissant par cette phrase que j’ai faite mienne depuis :
– Plus radin que moi, tu meurs !
Une précision pour relativiser la sagesse de cet ami : quand une personne se targue de sagesse, je parle de mon ami Jean-Yves.
On ne fait pas prendre un risque dont on ne mesure pas les conséquences en faisant ramener deux litres d’essence pour alimenter le moteur d’une voiture télécommandée pour le seul plaisir d’amuser son fils. Je me demande toujours les conséquences de ce transport illicite et je ne veux toujours pas imaginer dans quel pétrin nous nous serions retrouvés si la sécurité aérienne avait trouvé dans nos bagages ce bidon rempli d’un carburant on ne peut plus détonnant. Je suis persuadé de la réaction de cet homme si un jour il lit ce paragraphe ; compte tenu de sa suffisance, il minimisera ce fait, ce qui démontrera que, tout sage qu’il croit être, N’est pas sage qui veut.
Suite à cette première mise au point, nous sommes allés faire une promenade à pied dans le désert qui, à mon goût, fut un peu longue. Nous sommes rentrés par une nuit très noire, ne voyant pas où nous mettions les pieds. Peut-être étions-nous fatigués des deux jours de voyage pour apprécier cette ballade. Comme nos amis étaient heureux, ce bonheur rejaillissait sur nous.
Pour le diner, nous avions à finir les restes d’un repas de fête, suite à la communion privée de Karine, et pour mon régal, Simone avait cuisiné un pâté de lapin biquet, recette de notre village, notre première soirée en compagnie de nos hôtes.
Pour ne pas déroger à mes habitudes, mon réveil fut matinal. En silence, je suis sorti de bon matin pour profiter du lever de soleil ; celui-ci, vu l’orientation de la maison, illuminait le temple de Philae. C’était une vue panoramique des plus réussies.
Simone avait mis en culture un petit coin de leur jardin en potager où des radis sortaient de terre que je me suis empressé d’arroser. Chose qui n’était jamais arrivée depuis le début de leur séjour sous le ciel d’Égypte : quelques gouttes d’eau sont tombées. Quand je dis quelques gouttes, c’étaient vraiment quelques gouttes, c’est-à-dire presque rien, mais quand même assez pour que je puisse dire : il a plu à Assouan, j’en suis sûr, j’y étais.

Pour cette première journée, notre tour-opérateur (soit dit Nono) avait établi nos visites le matin : visite du temple de Philae. Pour ce faire, nous avons embarqué à l’embarcadère sur un petit canot à moteur où notre marin-pilote devait nous conduire à l’ile d’Aguilkia où est érigé ce temple et nous attendre.
La visite terminée, il était convenu qu’il devait assurer notre retour. Comme nous étions dans la barque et que nous devions passer au pied du coteau où se trouvait la villa de nos amis, Jean-Yves demanda à notre capitaine s’il lui était possible de nous débarquer en passant. Un non catégorique vint ponctuer sa réponse. Cet homme nous faisait comprendre qu’il n’avait pas assez de carburant. Nous ne comprenions pas ce refus étant donné que nous passions devant l’endroit sans faire aucun détour. Je ne comprenais pas cette attitude, mais ma surprise ne s’arrêta pas là : sans aucune raison apparente, notre homme changea d’avis et nous invita à prendre un thé chez lui dans un petit village nubien pour notre bonheur. Ce thé était délicieux dans des verres dont je n’assurerai pas les règles d’hygiène préconisées chez nous. Il nous a même proposé de fumer le narguilé, nous avons refusé en prétextant que nous étions des non-fumeurs. Pour ma part, je ne me sentais pas le courage de sucer sans un peu de dégoût l’embout de cette pipe après notre hôte.
Passée cette aversion non justifiable, nous gardions en mémoire cette dégustation comme un bon moment de notre séjour et une très bonne opinion de l’hospitalité égyptienne.

L’après-midi, la société employant Jean-Yves mit à sa disposition un pick-up de marque Toyota, ce qui nous permit de nous rendre au grand barrage d’Assouan et, au retour, de visiter le site de l’obélisque inachevé. Pour conclure cette journée, nous nous sommes rendus à la mosquée où nous avons pu entrer sans difficulté. Les alentours de ce site religieux n’étaient pas d’une netteté exemplaire, je crois que la tâche de ramasser les papiers était impartie aux petites chèvres qui gambadaient un peu partout.




Après avoir déposé nos femmes et nos enfants au logis, je suis allé avec notre chauffeur rendre la voiture aux techniciens travaillant à la rénovation de ce premier barrage. C’est comme ça que j’ai découvert le fonctionnement des turbines horizontales, chose qui m’était complètement inconnue auparavant.

À dimanche prochain pour connaître la suite…
Apparemment, en ce début de campagne, beaucoup de négociations financières, assorties à des taux de change fluctuants, s’alignant peut-être sur le niveau des eaux du majestueux Nil, à proximité. Un jour prochain (Égypte n°3 ?) nous aurons sans doute d’autres descriptions, d’autres ressentis devant ces pierres, ces édifices venus d’autres âges.
Un illustre prédécesseur de la famille Duhard l’avait déjà constaté, « du haut de ces Pyramides, quarante siècles vous contemplent » …
À la lecture de tes aventures je me félicite d’en avoir vécues des plus périlleuses encore ….
….mais seulement dans ma tête !
Salut baroudeur !
jluc