Je ne peux faire autrement que de partager mon retour en arrière en vous narrant une anecdote qui pourrait ne concerner que moi.
Le vendredi 2 décembre, revenant de chez Bénédicte, il me faut traverser la ville d’est en ouest. Sur ce parcours, je passe place de la gare, sur son esplanade pour les fêtes de fin d’année ; un manège de chevaux de bois vient égayer ce quartier, en complément du marché de Noël. Il ne ressemble en rien à celui qui était installé sur la place de Chemillé, animation du jour de l’assemblée annuelle, pour le plus grand bonheur des gamins du village, ceux dont je faisais partie, le décor étant dressé.
Il ne me reste plus qu’à conter la motivation de ces lignes.

Allez savoir pourquoi, ce soir-là, en voyant ce manège, je me suis retrouvé 70 ans en arrière, à cheval sur un destrier caracolant en compagnie de papillons, d’un cochon, un âne, un zèbre, une voiture de pompiers, un avion, etc. Je me revois menant la charge, les bras pointés vers l’avant en chantant cette musique de la plus belle des manières, accompagnant les hauts-parleurs du bastringue.
Il faut croire que cette rengaine est entrée dans un tiroir de mon cerveau, car je ne me rappelle pas avoir réentendu cette musique, et encore moins les paroles de cette rengaine depuis cette période préadolescente.
Que de bonheur retrouvé, la scie de la musique ne m’a pas quitté de toute la soirée. Je me suis mis en quête de retrouver l’antienne, monopolisant mon coin de cervelle.
Ne pouvant pas titrer la partition, j’ai commencé par questionner mes proches en gringotant les quelques notes installées dans ma tête.
Il faut croire à la justesse de mon fredonnement, tous ont repris le refrain de la plus belle des manières, dire qu’ils ont retrouvé le titre instantanément serait mentir. Ce qui est certain, tous sans exception, m’ont semoncer de leur avoir fourré dans la tête cette rengaine.
Je présume qu’après avoir lu ces lignes, il en est parmi vous, surtout ceux de ma génération qui vont se remémorer cette chansonnette, ils peuvent partager leurs ressentis : neutres, bons, oubliés…
Vous pouvez voir la vidéo ci-dessous et vous entendrez cette billevesée !
Ironie ou pas, l’armée venait de perdre la guerre et du même coup l’Alsace et la Lorraine.
« Je suis l’chef d’une joyeuse famille,
Depuis longtemps j’avais fait l’projet
D’emmener ma femme, ma sœur, ma fille
Voir la revue du quatorze juillet.
Après avoir cassé la croûte,
En chœur nous nous sommes mis en route
Les femmes avaient pris le devant,
Moi j’donnais le bras à belle-maman.
Chacun devait emporter
De quoi pouvoir boulotter,
D’abord moi je portais les pruneaux,
Ma femme portait deux jambonneaux,
Ma belle-mère comme fricot,
Avait une tête de veau,
Ma fille son chocolat,
Et ma sœur deux œufs sur le plat.
Gais et contents, nous marchions triomphants,En allant à Longchamp, le cœur à l’aise,
Sans hésiter, car nous allions fêter,
Voir et complimenter l’armée française.
Bientôt de Longchamp on foule la pelouse,Bien vite on s’met à s’installer,
Puis, je débouche les douze litres à douze,
Et l’on se met à saucissonner.
Tout à coup on crie vive la France,
Crédié, c’est la revue qui commence
Je grimpe sur un marronnier en fleur,
Et ma femme sur le dos d’un facteur
Ma sœur qu’aime les pompiers
Acclame ces fiers troupiers,
Ma tendre épouse bat des mains
Quand défilent les saint-cyriens,
Ma belle-mère pousse des cris,
En reluquant les spahis,
Moi, je faisais qu’admirer
Notre brave général Boulanger.
Gais et contents, nous étions triomphants,De nous voir à Longchamp, le cœur à l’aise,
Sans hésiter, nous voulions tous fêter,
Voir et complimenter l’armée française.
En route j’invite quelques militairesÀ venir se rafraîchir un brin,
Mais, à force de licher des verres,
Ma famille avait son petit grain.
Je quitte le bras de ma belle-mère,
Je prends celui d’une cantinière,
Et lorsque le soir nous rentrons,
Nous sommes tous complètement ronds.
Ma sœur qu’était en train
Ramenait un fantassin,
Ma fille qu’avait son plumet
Sur un cuirassier s’appuyait,
Ma femme, sans façon,
Embrassait un dragon,
Ma belle-mère au petit trot,
Galopait au bras d’un turco.
La vie est un manège
Un conseil pour ceux et celles qui ne parviendraient pas à s’en débarrasser, enchainez sur « Etoile des Neiges! » ou « Petit Papa Noël! » c’est indémodable et en plus tout à fait de saison » …
« L’Internationale » est également une variant efficace, mais pour ma part, je ne me souviens jamais si au refrain « C’est la Lutte (ou la Chute) finale… » ! Dans le temps, lors des manifs, je me faisais à chaque fois vertement remonter les bretelles, par notre puriste Camarade Krasucki, toujours accroché à mon bras gauche… FR