4 mai 2024

UN DRÔLE DE MARDI MATIN

30 Avril 2024.

Comme d’ordinaire depuis plus de 20 ans, j’ai rendez-vous dans un bistrot avec un ami pour boire un verre de Sauvignon ; pour donner suite à un rituel qui était quotidien depuis 1986, date de l’achat d’Agencia.

Avec cet ami, nous ne sommes d’accord sur rien. Il n’est pas le seul dans ce cas, il faut croire que j’ai un caractère, on ne peut plus magnanime. Ceci dit, de tous nos moments passés ensemble, celui de ce jour restera dans nos mémoires.

La jeune barmaid nous réserve, comme à l’habitude, un accueil plein de complicités, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Par contre, pour ce jour, notre premier contact n’est pas tout à fait comme à l’ordinaire. Elle nous révèle que ce matin, elle n’est pas dans son assiette, ce qui va se justifier dans les instants qui vont suivre. Son comportement nous intrigue, elle ne devait pas être plus rassurée que nous, car elle prend la décision d’appeler son patron et sa maman. En attendant leurs arrivées, nous nous morfondions, mon ami et moi, tant et si bien que je prends l’initiative d’appeler le service des urgences.

Je ne peux m’empêcher de relater ma conversation avec la réception du 18. Elle me posait un tas de questions auxquelles il m’était impossible de répondre. J’avais beau lui expliquer que j’étais un client de passage et que je ne connaissais rien de la malade, entre-temps, le patron, la maman sont arrivés. Comme moi, ils étaient cois de mon entretien avec la personne au bout du fil. Nous n’attendions qu’une chose : l’arrivée d’une ambulance, pas un interrogatoire.

J’ai raccroché sans savoir si ma correspondante avait fait le nécessaire. Comme mon inquiétude n’avait pas diminué, j’ai composé le 15, autre numéro d’urgence où j’ai été reçu avec les mêmes questions que la précédente conversation. Comme il m’était encore impossible de répondre, j’ai abandonné.

J’avais cru comprendre dans nos échanges houleux qu’une voiture médicalisée se dirigeait vers la malade, de là mon départ. Je fus rassuré quand j’ai croisé, en sortant du parking où j’étais stationné, l’ambulance des pompiers. La conclusion de cette anecdote, le malaise passé, notre héroïne a repris son travail.

Pour compléter ma matinée dans un autre genre, mais plus récréatif.

Ma matinée n’était pas terminée pour autant. Comme il me fallait ramener notre baguette quotidienne, je me suis arrêté à proximité d’une boulangerie. Il m’a fallu parcourir, sur un trottoir, les derniers mètres entre mon véhicule et l’entrée du magasin. Une femme, avec des cheveux blancs, qui avait vraisemblablement le même besoin que moi, marchait à la même hauteur. Arrivant devant la porte du commerce, je me suis effacé pour permettre à ma voisine éphémère de passer devant moi. Elle m’a remerciée avec deux mots qui m’ont laissé interdit :

– Merci ! Yves.

Je ne vous dis pas mon étonnement en entendant mon interlocutrice très à l’aise dans son interpellation ; je ne me rappelle plus ce que j’ai répondu.

Il en est ressorti un moment de bonheur. Cette dame m’a démontrée qu’elle me connaissait depuis mon enfance en tant que Chemilloise. Elle s’est nommée Rolande. J’étais très étonné des précisions énoncées et qui me réjouissaient. Elle connaissait comme tous les humains vivant dans les villages ; les vies, à cause de la promiscuité, étaient connues de tous sans pour cela être du voyeurisme.

Elle m’a étonnamment surpris en m’énumérant des souvenirs d’école. Cette dame qui a 6 ans de plus que moi, m’a interloqué dans la précision de son récit.

Je ne comprenais pas comment elle m’avait reconnu. Elle m’annonce que je n’avais pas changé ; cette réponse m’interloquait. Je me rappelais bien de son nom et prénom, mais du temps de l’école, il est vraisemblable que je l’ai perdu de vue à mon départ en tant qu’interne à 14 ans, dans le centre d’apprentissage sis à Tours (voir les trois histoires publiées : Mon internat 1, mon internat 2 et mon internat 3).

Par bonheur, une amie m’a fait parvenir il y a peu de temps, une photo prise dans le début des années 50 du siècle dernier. De retour au logis, je me suis empressé de visualiser la prise de vue prise par le photographe ambulant exerçant son art, en allant de villages en villages pour immortaliser les écoliers, écolières, regroupés, regroupées, sous la férule de l’instituteur, institutrice, et ceci tous les ans.

L’image ci-dessous représente la classe de l’école libre des filles de Chemillé. Dans cet établissement, les petits garçons partageaient, vu le nombre d’enfants, les mêmes locaux que les filles dans deux classes différentes : la classe des grandes, et celle des petits, mixte.

Bien sûr, comme vous l’avez deviné, les flèches bleues désignent les deux protagonistes de mon histoire.

Rolande et Yves, 6 ans nous séparent.

CATHERINE MARYVONE / JEAN YVES Duhard

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